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19 mai 2021

Providence d'Alain Resnais - 1977

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Période très intellectuelle pour Resnais, qui dans ces années 70, aimait à travailler sur l'abstraction, le mystère et la sophistication. On est en plein dedans avec Providence, parfois délicieux exercice cérébral, parfois chiante démonstration surréaliste, qui vous fait passer par toutes les émotions de la terre, de l'agacement pur à la félicité. Je n'ai pas tout saisi à la chose, mais je vous livre ici ma lecture, bien entendu capitale et géniale. Le film s'intéresse aux pouvoirs de l’imagination, à la création, d'ailleurs plus littéraire que cinématographique. Dans une demeure secrète nommée Providence, dans laquelle on peut voir aussi une sorte de forteresse à la Xanadu, ou un enfermement intime façon cerveau, un écrivain alcoolique (John Gielgud) se meurt dans la dèche totale : ses intestins se lâchent, son esprit bat la campagne, et dans un mélange de rictus nihiliste et de dernier espoir, il laisse celui-ci s'exprimer, et mêler ses fantasmes à la réalité. Il crée ainsi des mondes étranges qui vont fabriquer la texture du film qu'on a sous les yeux, sorte de "work in progress" ou de connexion directe avec son cerveau malade. Des bouts de fiction qui mélangent dans un joyeux bordel ses propres enfants (ses fils, Dirk Bogarde et David Warner, sa fille, Ellen Burstyn), des tentatives littéraires (il est notamment question de loups-garous), des délires moraux, des souvenirs de sa femme ou de simples motifs sans sens. Peu à peu, ce monde rêvé (ou cauchemardesque, c'est selon) devient le film lui-même, commenté par le vieil homme malade à l'imagination en lambeaux, qui peut faire entrer un personnage dans la champ alors qu'il n'a rien à y faire (un footballeur assez marrant), ou mêler les temps et les lieux dans un savant processus psychologique et tourmenté.

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Bien. Voilà ce que je déduirais de la chose, qui m'a tout de même laissé assez pantois. Pendant 20 minutes, on suit amusé cette histoire de monstre poursuivi par l'armée, ce procès aux allures politiques, ces tergiversations morales de Bogarde (qui est d'ailleurs excellent de bout en bout). Mais au fur et à mesure des délires de Resnais, on perd pied, au risque de ne jamais retrouver le fil. C'est le but, je sais bien, mais l'agacement naît plus souvent qu'à son tour devant ces numéros de jonglage un peu fatigants. De temps en temps, une scène ravit, une image vous fait retrouver le fil ; mais aussitôt après, Resnais nous refait un tour de passe-passe fictionnel et on est à nouveau perdu. Providence a tout de l'exercice de style, ce qui peut donner de bons résultats, mais ce qui ici donne un film très inégal, un peu trop expérimental, qui hésite un peu entre la narration et l'abstraction, entre la potacherie et l'intellectualisme. Fort heureusement, la fin du film est très belle : un repas avec tous les personnages, assez émouvant, et qui donne un sens aux 80 minutes absconses qu'on vient de traverser. On reconnaît le talent de Resnais pour la mise en scène, son goût pour l'expérience très en place dans ces années-là, la sorte de fantaisie (ici un peu morbide) qu'il sait déployer, son goût pour les jeux et les labyrinthes, son sens aigu de la forme. Bref, tout y est, jusques et y compris sa cérébralité trop poussé qui, dans ses mauvais jours n'arrive pas à passer la barre : sentiments donc contradictoires à la vue de Providence, qui m'a charmé et énervé tout à la fois.

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