Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
19 mai 2021

Dans ses Bras (Ni tsutsumarete) de Naomi Kawase - 1992

ddd

Émouvant autoportrait un peu amateur de Kawase, Dans ses Bras raconte les questionnements de la dame, alors toute jeunette, sur ses origines, et notamment sur son père qu'elle a à peine connu après le divorce des ses parents. Le bougre a disparu de sa vie, et le film est le journal intime de la tentative de retrouvailles avec lui : on y suit toutes les étapes de l'enquête menée par Kawase, qui fabrique ici mine de rien un suspense assez fort sur le gars. D'échecs en hésitations, de fausses pistes en vrais moments d'espoir, on est tout de suite happé dans ce récit étrange, très concentré : va-t-elle enfin remettre la main sur ce père, va-t-elle le rencontrer ? Dans les dernières minutes, des bribes de conversation téléphoniques et une dernière image bouleversante mettront fin au suspense. D'ici là, on aura assisté à un essai parfois un peu brouillon, parfois fulgurant, qui montre une cinéaste déjà attentive aux infimes battements du cœur ; qu'il s'agisse du sien ajoute à l'émotion ressentie.

CFD7Ci0VEAEsypB

Le film est constitué de bouts d'images, souvent en très gros plans : objets courants de sa maison, fleurs, petits paysages qui sont comme des tableaux, parties du corps de sa tante ou de sa grand-mère (c'est assez mystérieux). Le tout constitue une sorte de collage à la Alain Cavalier, et dans un but assez semblable au maître français : dessiner le portrait intime de la fille, enregistrer presque scientifiquement les détails de sa vie, pour les fixer, les faire entrer dans une sorte d'éternité, ce que le départ et la fuite du père ont contredit jadis. C'est parfois un peu confus, pas toujours très pertinent, et nombre de plans semblent un peu trop "travaillés" pour être complètement sincères. C'est que Kawase tente d’inclure dans son filmage les accidents même du filmage : scratchs, pellicule qui saute, bruit de la caméra, rayures, surexpositions, tout est conservé, mais parfois de manière trop volontaire, trop maline pour être honnête. En gros, on a parfois l'impression d'un faux film amateur réalisé par une cinéaste professionnelle. Mais on reconnaît aussi que ces effets sont valables quand ils sont la projection directe des sentiments, des émotions intérieures de la cinéaste, quand ils sont comme un prolongement de son monde intérieur. Les souvenirs d'enfance, les paysages aimés, l'amour porté à sa grand-mère, tout rentre dans le projet de Dans ses bras, jusqu'à ce carnet de famille scruté dans tous les sens et qui va ouvrir le film sur le thème de la quête, jusqu'à ces photos anciennes que Kawase va re-filmer dans leurs contextes, dans les lieux qu'elles représentent. C'est dans le son que passe le sens du film, qu'on entend cette enquête, pas dans les images, qui sont plus abstraites, plus poétiques. Dans le son, on entend la tante se plaindre du harcèlement que Kawase lui fit subir pour obtenir des réponses, on entend le monologue de la belle sur ses recherches, et surtout on entend cette voix d'outre-tombe jaillie d'un téléphone plein de parasites. L'impression générale est un magma de sons et d'images, intime et mystérieux, et une introspection profonde dans la psyché de Kawase : réussi donc, puisque tel semble bien être le but de Dans ses bras, qui vous cueille à la longue, simplement et durablement.

katatsumori

Commentaires
Derniers commentaires