Il n'y aura pas de Départ aujourd'hui (Сегодня увольнения не будет) (1959) d'Alexandre Gordon et Andreï Tarkovski

Un second film d'études de Tarko qui sent la poudre puisque lors de travaux effectués sur une voie principale d'une grande ville, trente tonnes de bombes allemandes sont découvertes. Les autorités se dépêchent de contacter l'armée ; dans ces cas-là, il y a deux choix : faire exploser le tout sur place (et risquer de détruire une partie de la ville reconstruite) ; ou transporter les bombes à l'extérieur, au risque et péril des manutentionnaires. Dans les deux cas, il faut de toute façon évacuer la ville (et on ne manque jamais de figurants dans ces cas-là !) ; c'est ce qui est fait alors même que la deuxième option est choisie. Reste maintenant à nos militaires-experts de faire preuve de doigté pour dégager ce gros paquet de bombes du sol et transporter le tout à bon port... Ne nous voilons pas la face, l'ambiance est tendue tendue : forcément, qu'un militaire esquisse un geste de nervosité pour s'allumer une clope (euh, pas là, si ?), qu'il dépoussière d'un petit coup de brosse une bombinette à ailerette, ou qu'il transporte la chose sans toujours faire attention où il met les pieds, on s'attend à chaque seconde qu'un gros boum transforme le militaire en mltraeiii (on se comprend). Tarko, roi du suspense, on ne s'y attendait pas vraiment... La réalisation est encore une fois très soignée, les acteurs, qui ont cette fois plus de métier, font parfaitement le job et chaque plan sur les bombes est choisi avec soin pour faire monter d'un cran la tension (avec en prime, en parallèle, une opération dans un hôpital pour rajouter une couche d'incertitude et d'inquiétude). On serre des fesses quand chaque bombe est transportée sur son lit de terre dans un camion ou quand celui-ci roulant à deux km/h s'engage sur une voie boueuse... Il y aura forcément un chblirk (cette bombe fait entendre un drôle de bruit, plaît-il), un type qui ne pourra s'empêcher de jouer au héros (l'âme russe, sa grandeur) et une jeune femme blonde qui court sur la fin (c'est le propre de tout bon film russe qui respecte : cette liberté en mouvement...). Projet carré, bien mené, sans esbroufe, avec quelques plans serrés sur de jeunes Russes suant ou souriant - du bon boulot préparatoire.

Se taper Tarko