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20 avril 2021

Heat de Paul Morrissey - 1972

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Très étonné par ce film, tant je m'attendais à un machin warholien sous emprise cocaïnée. C'est ça, bien sûr, et on reconnaît bien là derrière les longues séances de fumette et les emballements sexuels de notre Andy et de sa bande. Mais c'est aussi beaucoup plus que ça : Morrissey nous offre une tranche de vie d'une authenticité totale, en même temps qu'un film au style brillant, là où on n'espérait au mieux qu'un amateurisme fendard. Le film ne raconte pratiquement rien, si ce n'est quelques jours de la vie lymphatique de Joey, ancienne enfant-star désormais sans emploi, qui s'installe à Hollywood et use des ses charmes pour obtenir réductions de loyers et rôles potentiels. Le gars est joué par Joe Dallessandro, le Sexe incarné, et inutile de vous dire qu'il n'a pas beaucoup de mal à rendre toutes les femmes qui l'entourent folles de lui : il séduira tour à tour sa proprio (une mégère qui fait de la vulgarité un des Beaux-Arts), sa voisine (une blondinette pas farouche qui met son point d'honneur à avoir toutes les emmerdes possibles), et la mère de celle-ci (une star de la télé sur le retour), cette dernière devenant carrément folle de lui avant qu'il la largue faute de résultat. Au centre de cette basse-cour, Joey traîne ses abdos en chocolat et sa chevelure d'ange, se laissant porter nonchalamment par ce qui vient, complètement insensible aux chamailleries de ces dames. On croise aussi ici et là toute une faune plus ou moins envapée de l'époque, des frères qui font un numéro de cabaret un peu olé-olé, un producteur de télé, des junkies, des musiciens, etc. Le tout pour démonter la société du spectacle des années 70, anémiée, ensuquée par les drogues et le sexe, complètement dénervée ; le point d'orgue de Warhol, producteur du film, étant de parvenir à faire son beurre sur un film qui critique le beurre du cinéma, exemple de cynisme qui ressemble bien au compère.

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En tout cas, toute l'écurie de la Factory est convoquée ici, des acteurs aux musiciens (John Cale à la BO), et on retrouve avec plaisir l'atmosphère si décalée et étrange de ces années-là, ce petit monde interlope et mal élevé, cette morgue punk qu'on a aimée chez le Velvet, dans la peinture de Warhol ou dans ses films expérimentaux. Heat n'est pas aussi ardu que ses prédécesseurs warholiens, au contraire : il pratique un style très brut, certes pas nickel-nickel au niveau de la technique, mais indéniablement fiévreux. On dirait parfois Cassavetes, dans sa façon de capter les choses sur le vif, que ce soit des choses belles (l'amour de la vieillissante Sylvia Miles) ou des choses beaucoup plus prosaïques (la jeune première qui se pique de pratiquer le sexe oral dès qu'elle aperçoit une teub). Souvent assez fendard dans le style très désabusé des dialogues, dialogues la plupart du temps sans aucun intérêt, sûrement plus tourmenté que ce qu'il laisse paraître, fascinant en tout cas par la liberté totale qu'il revendique, ce film vous attrape sans vous prévenir et vous raconte sa non-histoire avec un bel enthousiasme, et un goût de la mise en scène que son style relâché pourrait vous faire oublier. Entre les pages magazines (et certaines plus arrachées à Têtu qu'à Play-Boy) et Guy Debord, entre un clip de Television et un objet punkoïde, Heat est un bien bon moment comme on ne sait plus en faire, de nos jours où la maîtrise semble être le maître mot de toute réalisation. Conquis.

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