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14 avril 2021

L'Homme à la Valise de Chantal Akerman - 1984

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On ne peut pas reprocher à Akerman de se tenir à l'endroit où on l'attend, et si ses films ont finalement une cohérence les uns par rapport aux autres, elle ne cesse de nous surprendre dans son ton et ses intentions. Avec L'Homme à la Valise, elle s'attaque à un genre nouveau : le burlesque. A la faveur de cette commande télé, elle réalise un tout petit film en huis-clos, dans lequel une femme (interprétée par elle-même), rentrant de vacances après avoir confié son appartement à des amis, se retrouve face à l'un d'eux n'ayant pas encore quitté les lieux. Trop timide pour aborder franchement le problème avec lui, trop sauvage pour supporter cette présence, elle va vivre plusieurs jours avec cet homme mystérieux, sorte de Bartleby à la fois omniprésent et complètement effacé, espionnant ses allées et venues depuis sa petite chambre, fomentant à la longue un vrai sentiment de rejet de ce corps ayant envahi son espace. Le tout prend des airs de "buddy-movie" mal accordé ; le grand corps de l'homme, le tout petit d'Akerman, les excès de ses réactions, le côté passif du gars qui reste là comme un poids mort, les mille et une ruses qu'elle met en place pour l'éviter, tout ça dessine un film comique, dépressif mais burlesque, dans les quelques mètres-carrés de cet appartement. Le décor, d'ailleurs se rétrécit de plus en plus au fur et à mesure que la belle s'enferme dans sa propre chambre, vivant en autarcie dans sa solitude forcée. Allégorie de sa posture face au monde ? je ne sais pas vraiment, tant le film aime à se montrer conceptuel tout en gardant son côté léger, aime à brouiller les pistes de lecture, se faisant rigolo alors même que son sujet est douloureux.

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Bon, cela dit, ça, c'est sur le papier. Le résultat est malheureusement moins convaincant. Akerman ne peut s'empêcher de mêler à son style comique une sorte d'aspect très savant qui en amoindrit tous les effets. Pour tout dire, l'aspect burlesque du film est raté : pas assez de scènes, sûrement, entre les deux personnages, le film se concentrant peu à peu sur le seul personnage de la fille et sur ses manigances pour éviter l'autre ; et du coup, le hiatus entre ces deux êtres que tout oppose n'a pas assez de place pour se développer. Assez mauvaise comédienne, Akerman a sûrement tort de rester focalisée sur elle-même, d'autant que le film ne va pas assez loin dans l'imagination qu'elle met en place pour survivre malgré tout. On rigole dans un premier temps de voir la belle dresser de savants plans pour noter les déplacements de l'homme et ainsi l'éviter, ou de la voir commander par téléphone tout un attirail de survie pour pouvoir vivre dans sa chambre en autarcie ; mais ensuite, le film piétine et ne parvient pas à renchérir dans l'absurde de la situation : la fin est curieusement dénervée, fade. Techniquement, de plus, on est déçu par cette image terne, par ces cadres pas très inventifs sur ce décor minimaliste et unique. Akerman compense pourtant par un travail sur le son pour le coup assez impressionnant, son personnage écoutant à travers les portes les déplacements de son "parasite" et en déduisant sa vie. Bref : on sent la réalisatrice de talent, mais on la sent aussi un peu enfermée dans son image de cinéaste expérimentale et intellectuelle, et peinant à produire un film léger. Le cul entre deux chaises, le film est agréable mais inabouti, hésitant et pas très drôle.

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