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13 avril 2021

Voyage à travers un film (Sauve qui peut (la vie)) de Jean-Luc Godard - 1981

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On tape dans le rarissime, là, puisque voilà un film qui ne figure même pas dans les filmographies officielles de JLG, et que le formidable site de la Cinémathèque nous a exhumé pendant 48h (gloire au confinement). Un vrai plaisir donc de se confronter à cette œuvre qu'on n'aura sûrement jamais l'occasion de revoir, d'autant qu'elle s'intéresse à un des meilleurs films de Godard : Sauve qui peut (la vie). Après le film sur la préparation et le film en lui-même, voici, à la demande de la télé suisse, une sorte de retour sur le film fini, à la fois critique et réflexif, qui nous montre le bon maître se pencher une ultime fois sur son travail pour le questionner, le remonter, changer les angles, y ajouter des plans inédits, en pointer les failles, bref retraverser durant 1h30 le film, dans un élan auto-critique habituel au gars. Éternel insatisfait, ne se contentant jamais d'un produit pour considérer que le travail est terminé, avide aussi de façon masochiste qu'on critique son travail, JLG triture la pellicule et fait traverser ses plans de visions télévisuelles, salit en quelque sorte son film, le pervertit pour nous donner l'occasion, et lui avec, d'une nouvelle piste de réflexion autour de Sauve qui peut (la vie). On contemple donc admiratif ces infinis ralentis sur Nathalie Baye traversant la campagne en vélo, ces répétitions et ces retours inlassables sur les mêmes images, ces surimpressions audacieuses de différents plans (qui font se superposer les visages, notamment celui de Huppert à différents moments du film), cet inlassable travail sur l'image et le son qui caractérise le Godard actuel et qui pourrait bien trouver ici ses premiers balbutiements. Sauve qui peut est beau en lui-même, mais Godard magnifie ici les plans mêmes du film, les fétichisant en quelque sorte, les sortant de leur contexte pour leur donner l'aspect d'une pure forme, d'une matière à malaxer comme ferait un artisan. JLG découvre son gadget savant lui permettant de triturer à loisir la pellicule, et ne se prive pas d'en explorer toutes les possibilités.

Screenshot_2021-04-10 Voyage à travers un film (Jean-Luc Godard, 1981) à voir en ligne sur HENRI, la plateforme de nos coll[

Ceci dit, Voyage à travers un film est loin de n'être qu'une pure forme et offre aussi au fan de base bien des raisons de titiller ses neurones frémissantes. D'abord grâce à ses rencontres avec Isabelle Huppert, absolument passionnantes : à cette époque, l'actrice semble être la seule à même de faire face à l'ogre suisse, et sa candeur (feinte) face aux absconseries de Godard fait merveille ; elles permettent de dévoiler un Godard plein de questions, d'angoisses, face à lui-même et à ses acteurs. S'il semble prendre un malin plaisir à se souvenir des tensions avec Baye et Dutronc sur le tournage, il considère Huppert à égalité avec lui, et réfléchit avec elle sur la notion d'écran (de mémoire : "La vie me paraît moins effrayante avec un écran entre moi et elle"), sur le travail d'acteur (en envoyant paître la méthode Actor's Studio au passage), sur la construction de personnage. Et c'est passionnant : il filme le visage alors juvénile d'Huppert avec un vrai travail sur l'image, se plaçant lui-même en retrait, dans un hommage très émouvant à la comédienne ; et on découvre un Godard presque enfantin, désireux d'exprimer ses réflexions face à un être capable de lui proposer des contre-arguments, des doutes, des critiques. Il a  trouvé en Huppert la candidate idéale. Autres séquences vraiment fascinantes : son interview avec le producteur de l'émission de télé, où JLG se place dans la position de l'intervieweur, comme s'il demandait à l'autre d'être le spectateur-critique de son travail et non l'inverse. Là aussi, une brillante joute verbale entre les deux hommes. Godard revient sur le thème de son long métrage, la prostitution,, et pour une fois laisse son côté petit malin en retrait, très humble par rapport à son œuvre, ce qui lui permet de disserter de façon très claire sur le sujet.

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Le film ne cesse de scruter, surtout, les relations entre cinéma et télévision, du point de vue de leur essence et même de leur nature : le grain de l'image, méticuleusement calculé dans un incessant va-et-vient entre cinéma et télé, fait des bonds entre les deux "arts", et on sent Godard passionné par la nature de l'image, par le sens véhiculé par elle, par son caractère émotionnel. On découvre dans ce film un Godard étonnamment clair et touchant, jamais satisfait de son travail, souhaitant sans arrêt y revenir, et très en demande de discours extérieurs sur eux. Bref, un essai absolument primordial pour comprendre le JLG du début des 80's, se relevant enfin de son marxisme un peu puéril des années 70, tout ébahi de découvrir qu'il peut encore faire du cinéma. Et du plus beau qui soit.

God-art the cult

Commentaires
M
"Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé".
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C
Moi, j'ai une demande différente : où peut-on ne pas le trouver ?
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M
Même demande que guillem, d'autant plus qu'Arte propose actuellement "Sauve qui peut (la vie)" et d'autres films de Godard.<br /> <br /> <br /> <br /> Ch'tite info : pour un euro (symbolique ?), le site https://www.mk2curiosity.com propose trois mois d'abonnement avec une palanqué de Kiarostami, Varda, Chaplin, etc.
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G
où peut-on le trouver pour le voir, je l'ai vu à l'époque, mais j'aimerais le récupérer
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