Tetsuo : The Bullet Man (鉄男 The Bullet Man) de Shin'ya Tsukamoto - 2009
Oui, on va être d'accord avec Shang pour détester ce Shin'ya Tsukamoto, sur lequel je suis tombé par hasard avec ce Tetsuo qui est visiblement le troisième d'une série (ne comptez pas sur moi pour regarder les deux premiers). L'histoire est ridicu simple : un homme se transforme en mitrailleuse humaine dès qu'il est en colère. Quand il perd son fils écrasé par la voiture d'un méchant, puis que ce même méchant vient le titiller et menacer sa femme, vous imaginez que sa colère va être noire, et que sa transformation va être spectaculaire. Sur ce scénario improbable, sûrement hérité d'un quelconque manga, Tsukamoto fabrique un film hyper-formaliste, qui ne refuse aucun excès et aucune caméra embarquée pour rendre tout ça le plus sensoriel possible. Il y a d'abord le maquillage de l'acteur, qui devient une sorte de machine à la Cronenberg, mi-locomotive à vapeur mi-boeuf dépecé, mi-mécanique avec ses tuyaux et ses soufflets, mi-organique avec ses viscères apparentes et ses larynx entremêlés. Le bougre se transforme pour on ne sait trop quelle raison, même si le film tente de nous donner une explication, une malédiction paternelle, une transformation génétique, une expérimentation physique douteuse, bref, on s'en fout. En tout cas, on est entre le dégoût et la rigolade devant cette chose informe et dégueu qu'il devient, ce qui est après tout le but, le film se tenant toujours sur la crête entre le comique et l'horreur, entre l'action et le grand-guignol. Un peu comme ses collègues Miike et Sion, Tsukamoto a bien conscience que faire un film fantastique aujourd'hui, et faire un film de super-héros, c'est se frotter à une imagerie un peu ringarde et ridicule, tout en offrant de la pyrotechnie valable : de ce côté, il réussit plutôt bien l'équilibre entre les deux tendances.
Là où on le suit beaucoup moins, c'est dans le montage des scènes d'action, qui font 80% du film. A côté de la frénésie de ces plans de 3 millièmes de seconde en caméra tremblée collés bout à bout, Christopher Nolan est un fou du plan-séquence. Au bord de l’évanouissement, on contemple ce déferlement d'images, captant par-ci par-là une vague forme, un geste, une lumière qui pourrait nous indiquer ce qui se passe dans la scène si en plus tout ça n'était pas saturé de musique tonitruante et de filtres impossibles. On finit exsangue ces scènes-là, terrifiés par ce rythme qui pourrait bien quand même, cette fois, être le maximum de ce qu'on peut atteindre en termes d'images subliminales. Comme le reste du métrage est consternant (les dialogues affligeants, les tourments ridicules du héros, sans parler de la complaisance un peu gênante dans la scène de l'écrasement du gamin), on en tire la conclusion qu'on est là en face d'un tonitruant navet, qui voudrait bien faire mais ne nous fournit qu'une migraine carabinée et la perte dommageable de plusieurs dizaines de neurones.