Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
3 avril 2021

Équateur de Serge Gainsbourg - 1983

equateur01

On achève cette involontaire odyssée gainsbourgienne sur les genoux avec son film sûrement le plus inregardable et inécoutable, plus encore aujourd'hui où les saillies homophobes, colonialistes et phallocrates ont cessé d'être drôles. Emballé sûrement par le petit succès de son film précédent et convaincu qu'il reposait sur ses provocations adolescentes, Gainsbourg enfile son costume de Gainsbarre et file au Gabon pour laisser libre cours à ses fantasmes sexuels et colonialistes. Il invente une sombre histoire basée sur un roman de Simenon, histoire d'avoir un prétexte : Timar, un aventurier dépressif, débarque donc dans le pays et rencontre Adèle, du cul de laquelle il tombe amoureux (et on le comprend, j'y reviens) ; du même coup, il met le bras dans un engrenage policier parfaitement glauque, à base de faux coupable et d'emprise vénéneuse. Timar est victime de l'envoûtement qui a déjà saisi la plupart des hommes venus se perdre ici (festival de trognes et de maillots de corps sales : Julien Guiomar, Jean Bouise, Roland Blanche...) et qui a pour nom Adèle, femme fatale et veuve noire qui va dévorer notre pauvre gars corps et bien.

maxresdefaultfffff

Tout ce qui est liquide fascine Gainsbourg : l'alcool, qui ne cesse de couler et finit par imprégner littéralement toute l'atmosphère du film, glauque, halluciné, éthylique et fier de l'être ; la sueur, le film ayant au moins la qualité de nous faire éprouver physiquement la chaleur accablante qui se dégage du pays et de ces corps fiévreux ; les larmes, puisque Équateur s'affirme clairement comme une tragédie à ciel ouvert, et y va fort du sérieux solennel ; et enfin, bien sûr, le sperme, thème éternel et principal de Gainsbourg, vraie clé du mystère puisque c'est à cause de la fascination de Timar pour le sexe avec Adèle qu'il va se perdre dans la profondeur du mal et de l'obsession. Dans les deux rôles principaux, on a des comédiens qui se donnent, c'est le moins qu'on puisse leur accorder : Francis Huster s'enduit de sueur et prend son air le plus ténébreux et le plus halluciné pour interpréter un Timar sous influence, complètement dépassé par ce pays dans lequel il se perd ; bon, le fait qu'il soit toujours au bord du ridicule n'étonne pas chez cet acteur qui croit toujours qu'il faut être tremblant de fièvre pour être profond. Accordons-lui tout de même la qualité de se mettre au service de son metteur en scène, qui le dirige vers une sorte de jeu à la Marin Sheen dans Apocalypse Now. Face à lui Barbara Sukowa et son fessier qu'il faut bien qualifier de sublime sont plus convaincants, elle dans l’ambiguïté de son personnage (toutes les femmes sont fourbes et salopes, semble grommeler Gainsbourg), lui dans son esthétique et sa bonne volonté, puisque le cinéaste en fait le personnage principal de son film.

equateur02

Pourquoi pas ? Mais Équateur est complètement raté dans son portrait d'une Afrique à la fois exotique et dangereuse, dans la somme de clichés véhiculés par le scénario, et par le regard profondément raciste de Gainsbourg. Les noirs d'aujourd'hui s'évanouiraient devant les saillies rigolardes du film concernant les "nègres" et leurs attributs virils, leur bêtise endémique et leur servilité ; on veut bien les mettre sur le compte du personnage, mais elles sont trop récurrentes et trop fières d'elles-mêmes pour ne pas être aussi sincères chez Gainsbourg, surpris ici dans sa période la moins intéressante. Idem pour les vannes sur les homos, et pour cette vision hyper-ringarde des rapports homme/femme, réduits à "les hommes pensent et souffrent, les femmes baisent et font souffrir". C'est dommage qu'il joue ainsi la provoc facile, parce que, côté mise en scène, il sait manier sa caméra et offrir quelques mouvements élégants, quelques séquences assez habitées (les scènes de sexe sont très bien filmées). L'inanité du scénario, le flou artistique des acteurs, le goût pour les atmosphères malsaines et les blagues à la Bigard enterrent ces idées : voilà un navet, qui sent le vieux pet et le bon temps des colonies, qui n'a pour seule qualité que de nous montrer le Gainsbourg à un tournant de sa vie ; comme document sur l'auteur donc, un film pertinent. Pour tout le reste, préférez les disques du sieur à cette époque.

Commentaires
Derniers commentaires