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30 mars 2021

Vivre aujourd'hui, mourir demain (Hadaka no jûkyû-sai) (1970) de Kaneto Shindô

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Dix ans après l'inoubliable L'île nue, Shindô décide de laisser tomber la vie de campagne pour suivre les traces d'un gamin des villes... Enfin, un gamin qui commencera sur le tard à fréquenter la ville et à déraper... Faut dire que son enfance fut pour le moins troublée : un père qui revient à la casa uniquement pour engrosser bobonne (et le type s'avèrera un meilleur client potentiel pour la banque du sperme que pour la banque tout court : il fera pas moins de huit gamins sans jamais ramener un sou...), des conditions pour le moins précaires, notamment lorsque sa mère l'abandonne un temps en compagnie de deux autres frères et de sa grande sœur, des traumas qui bousillent le gosse (il est témoin des... deux viols de sa sœur en vingt-quatre heures : c'est ce qu'on appelle une journée sans... la pauvre gamine devient folle et cette violence laissera des traces indéniables dans l'esprit du bambin, un bambin résolument élevé à l'injustice...). Oui, une enfance difficile. Quand il se lance dans le grand bain de la ville, il se frottera à d'autres problèmes : des patrons colériques, des opportunités de travail qui ne cessent, pour une raison ou une autre, de lui échapper, et l'impression de devoir passer toute sa vie comme un laissé-pour-compte... Et il trouvera par hasard un flingue, et il s'en servira bêtement - sûrement le moyen d'écourter sa jeunesse, de mettre fin stupidement à son "innocence" : il découvre la vie de bamboche, les filles mais cette aventure sur le fil du rasoir tournera court...

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Le récit de Shindô court sur deux heures, deux heures pleines, remplies jusque-là de mésaventures, de désillusions, d'expériences foireuses mais deux heures jamais lassantes tant Shindô se montre expert dans sa façon de faire exploser sa structure narrative... On découvre le jeune Michio débarquant en ville jusqu'à la première grosse connerie... Puis il sera question de son enfance, des passages de Michio-enfant qui ne cesseront d'alterner avec sa "fuite en avant" actuelle : s'il part en quenouille, on ne peut pas dire non plus que jusque-là le gamin a été particulièrement gâté par la life... S'il décide enfin de mordre la vie par les deux bouts, c'est sûrement parce qu'il sait que sa vie, déjà sacrément entamée par la misère, est vouée à être courte... Il use de son flingue dès qu'il se sent "serré" de trop près ou pour ramasser une poignée de billets dans la poche de chauffeurs de taxi - ces meurtres sont sûrement ce qu'il y a de plus pathétiques tant il se met en danger et devient hors-la-loi pour presque rien. Michio a qui plus est comme une sorte de don pour se mettre avec des filles (légères) qui lui pètent dans les doigts à la première occasion ou qui ne peuvent lui attirer que des emmerdes... Le type, avec sa gueule d'ange, semble bien parti pour accumuler en un concentré de temps tous les malheurs de son temps : s'il n'est que simple spectateur lors des manifs qui agitent son époque, il glisse avec une facilité déconcertante sur la pente de la violence - pas de père, peu de mère, peu de chance, la tête un peu trop près du bonnet... on voit mal comment le gars ne va pas finir dans le mur... Shindô multiplie les couches narratives et les épisodes de cette vie riche et bordélique, une vie aux allures de bombe à retardement. Un récit bien mené de bout en bout, un anti-héros qui semble se prendre lui-même les pieds dans le tapis et en toile de fond un Japon tumultueux qui semble lui-même vivre sur la corde raide : Shindô nous fait toucher du doigt, via le portrait de ce jeune homme sans guère de (re)pères, toutes les turpitudes et les vicissitudes d'une époque. Du bruit, de la fureur de vivre et un crash attendu : une belle trajectoire de comète qui explose en vol. 

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