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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
20 mars 2021

Les huit Visions (Visions of Eight) (1973) de Forman, Lelouch, Ozerov, Zetterling, Ichikawa, Schlesinger, Penn & Pfleghar

En attendant les Jeux Olympiques de Tokyo (je sais que vous en êtes friands), faisons un petit tour vers ceux de Munich qui se tinrent en cette bonne année 1972 et qui ne furent pas uniquement l'occasion d'attentats terroristes (même si le dernier épisode l'évoque). On propose à sept cinéastes et un touriste (Lelouch) de donner sa vision des JO. Chacun choisit son petit sujet et décide de faire la place belle aux images, aux ralentis de la mort, et aux ambiances de feu célébrant toute victoire. Huit parties qui donnent un petit aperçu de nos sportifs perdants, souffrants, triomphants.

Le Commencement de Iouri Ozerov 

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Honneur à Ozerov qui décide de s'intéresser à ces quelques minutes de solitude avant de se lancer dans la compétition : les dernières prières, les derniers échauffements, les derniers relâchements, la dernière répétition du petit geste avant de se lancer dans le grand bain. Des images volées ici ou là avant, avant (suspense) la compétition et l'explosion des performances (un montage pour le moins vitaminé quand les sportifs, enfin, s'élancent). Pourquoi pas, mais pas vraiment de scoop pour cette partie, on eut presque préféré rester au village olympique (les toutes premières images de ce court) et voir le brassage de tous ces champions, de toutes ces nationalités, et ces petits moments incongrus quand un haltérophile plus massif que l'armoire de ma grand-mère croise une gymnaste hobbit. On va dire que c'est juste l'échauffement.

Le plus fort de Mai Zetterling 

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La cinéaste suédoise avoue ne rien connaître au sport et encore moins à l'haltérophilie ; elle en fait tout de même son sujet en mêlant images drolatiques (ce mini haltérophile sauteur qui fait tout le tour de la salle façon grenouille est franchement impayable), comparaison un brin douteuse (une petite parenthèse sur toute la quantité de bouffe ingérée pendant les jeux : l'impression, quand on retrouve ensuite nos athlètes, d'avoir affaire à des gros paquets de viande...), petite pastille mignonne (cette brutasse d'haltérophile qui en coiffe un autre - un peu comme un éléphant qui servirait le thé à un hippo dans un magasin de porcelaine), moments terribles de frustration (cette putain de barre qui vous échappe) et clin d'oeil caustique (ces deux haltérophiles partant côte-à-côte, le géant et le nain). Du sport, de la sueur, et un poil d'humour.

Le plus haut de Arthur Penn

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Penn décide de se focaliser sur ce sport de malade qu'est le saut à la perche. Il parvient à capter (le ralenti est de mise) aussi bien ces instants d'échec total quand le sauteur, dans sa "chute" (dans tous les sens du terme) voit la barre à son tour tomber - un effort monstrueux pour un raté cuisant. Et puis parfois cela passe et le sauteur vit alors ces quelques instants de grâce, instants qu'il savoure durant cette retombée infinie avant de finir crucifié sur le matelas gonflable dans toute sa béatitude. L'effort terrible avant de se prendre un mur ou de connaître la jouissance. Bel exemple d'envolées extatiques et de retombées infernales.

Les Femmes de Michael Pfleghar 

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Pfleghar, lui, n'oublie pas que les femmes, à l'origine, n'avaient ni le droit de participer ni d'assister aux jeux. Il nous montre ces figures féminines, compétitrices avant tout, telle cette athlète allemande qui semble participer à la plupart des épreuves d'athlétisme - sa complicité avec son amie et adversaire d'un jour (les deux Heide) fait plaisir à voir. Mais l'instant de beauté pure survient quand il capte la petite frimousse de Ludmilla Tourischeva qui se lance aux barres asymétriques. Aussi grâcieuse qu'un petit moineau qui s'envole, la très jeune donzelle et ses petites couettes illuminent ces jeux par son frais minois et son regard pétillant. Mignonne, allons voir si la rose... pardon, on me perd.

Le plus rapide de Kon Ichikawa 

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Ichikawa ne fait pas dans la demi-mesure et installe pas moins de trente-quatre caméras pour filmer la finale du cent mètres, l'épreuve reine des abeilles. Ralenti de rigueur pour montrer ces faces toute relâchées pendant que tous les muscles des quatre membres se tendent à mort. C'est un bel exploit d'observation mais c'est vrai que ces images-là ne nous apparaissent pour le coup plus guère originales, la technique n'ayant cessé de progresser dans ce domaine. Cela reste précis, parfaitement nippon.

Le Décathlon de Miloš Forman

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Forman s'intéresse lui à ces grands malades qui vont jusqu'au bout d'eux-mêmes pour ces dix épreuves de folie (tu chutes sur une haie, tu as juste envie de tuer ta mère). Forman tente le montage alterné : à chaque épreuve sa petite musique, de l'opéra grandiose à la clochette allemande (le bruit qu'on entend, est-ce celui des cloches qui s'agitent ou de ces seins se trémoussant : le doute reste entier devant ces deux teutonnes qui font ding-dong) en passant par ces airs casse-couilles de yodle ; Forman se perd parfois un peu en route (ces images sur le juge qui s'endort, ouais, c'est pas très glorifiant) mais réalise malgré tout un montage dynamique pour montrer tout le lyrisme d'une compétition où l'on est prêt à se péter tous les tendons pour finir. Eprouvant. 

Les Perdants de Claude Lelouch 

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Le gars nous tend la perche... Lelouch, présumant sûrement de ce que sera la suite de sa carrière, s'intéresse plus précisément à la solitude du loser. Des types qui ragent, qui fulminent, qui pleurent en leur for intérieur ou encore des types (les lutteurs !) qui, c'est le moins qu'on puisse dire, luttent jusqu'au bout - même quand ils se sont démantibulé une épaule ou pété un mollet. Le lutteur comme le boxeur refuse de quitter le tapis tant qu'il pense qu'il a des forces - mais la blessure ou la décision de l'arbitre est malheureusement là pour rappeler la triste vérité : mon gars, tu t'es entrainé jour et nuit mais maintenant rideau, t'es pas au niveau. C'est dur, c'est cruel, c'est le sport, c'est Lelouch. Un instant de lucidité sur son propre rang, c'est beau.

Le plus long de John Schlesinger

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On termine avec l'épreuve des épreuves, le marathon. J'ose rappeler en passant que je terminai en mon temps premier du marathon de Shanghai à sept-cent-cinquante places près (restons modeste) et me voilà donc bien placé pour estimer le travail de Schlesinger. Ce dernier se focalise sur un certain Ron Hill, un athlète anglais qui, chaque jour, pour aller au taff, s'entraîne, et qui, chaque week-end fait un marathon dans sa campagne. Le type est concentré, ne veut pas être perturbé par ces petits éléments extérieurs et terroristes dont tout le monde parle (putain, j'ai une course, moi) et n'a qu'un but : gagner. On va suivre le run de Ron, sa pugnacité, sa vélocité, ce petit bout d'homme puisant jusqu'au fond de lui pour vaincre - et finir sixième : eh oui, mais l'essentiel n'est-il pas de participer ? Il n'a pas trop l'air de se rappeler les paroles de Coubertin, notre Ron un brin frustré et rougeaud, contrairement à ce dernier athlète qui arrive de nuit, sous la pluie quand la plupart des spectateurs se sont barrés - et si c'était lui, le seul sportif, celui qui n'intéresse finalement personne ? 

Des petits travaux très consciencieux qui laissent aux images le soin d'en dire plus que tous les commentaires sportifs. Pas du cinoche, en vérité, juste de l'humain qui se déchire. Une œuvre de bon niveau sans véritable exploit transcendant.

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