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19 mars 2021

Trois couleurs : Blanc de Krzysztof Kieślowski - 1994

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Un net mieux dans ce deuxième volet de la trilogie kieslowskienne : Bleu était pompeux et solennel, Blanc sera léger et lumineux. En lieu et place de la marmoréenne Binoche, Kieslowski choisit pour acteur principal de sa nouvelle fable Zbigniew Zamachowski, et ça change tout. L'acteur possède un visage merveilleux, qui peut le faire passer en une fraction de seconde du désarroi profond à une certaine forme de malice, qui peut être burlesque ou tragique dans le même plan. Voilà l'acteur idéal pour cette histoire tragi-comique : Karol est un immigré polonais qui divorce de sa femme française pour mariage non-consommé. Toujours raide dingue de celle-ci (et on le comprend, puisque c'est la diaphane Julie Delpy qui s'y colle), il retourne en Pologne pour faire fortune et tenter de récupérer celle-ci... ou pas, les intentions de Karol pouvant être plus torves qu'annoncées, et le petit personnage plus malin que prévu. Le film est une suite de déconvenues et de succès remportés par Karl : battu, malmené, humilié, mais toujours debout, et toujours débrouillard, il trace sa route au milieu de l'effondrement moral et politique de la Pologne, profiteur quand il le faut, peu regardant sur la légalité quand il y a du fric à prendre, mais indéniablement humain trop humain. Le film réussit partout où le lourdaud opus précédent avait échoué : la musique de Preisner se fait ici subtile et envoûtante, les tics publicitaires bleutés à l'image passent comme de rien dès qu'ils passent en blanc, l'interprétation est fine et le scénario dans son ensemble, de pesamment symbolique et psychologique, devient une merveille d'équilibre, entre thriller malin et chronique sociale d'un pays en plein effondrement.

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La lente transformation du personnage principal fait beaucoup pour le charme du film : d'abord petit être naïf et un peu cucul qui se fait chier dessus par les pigeons et humilier par sa femme, il devient peu à peu un calculateur machiavélique sous ses airs de ne pas y toucher. Sa métamorphose en capitaliste aux dents longues surprend d'abord, avant qu'on comprenne qu'elle n'est qu'une image d'un pays qui grandit sur le rêve économique. Karol évolue alors vers la vengeance froide, mais Kieslowski le sauve toujours du cynisme en lui conférant des scènes touchantes : l'assassinat truqué de l'homme qui le prend sous son aile (Janusz Gajos, excellent), les larmes qui coulent devant l'étendue du mal qu'il fait à la fin, sa faiblesse physique... Le personnage profite d'un système pourri pour se sauver lui-même d'une injustice, on est toujours de son côté, toujours triste de le voir prendre des coups et content de le voir réussir malgré l'adversité. Le film est placé sous le signe de l'égalité, et pour cette fois réussit à traiter de ce thème abstrait par la pratique : le couple franco-polonais est déséquilibré à cause de la pauvreté du mari et de la beauté de la femme, mais les rapports de force se renversent au final, et l’étranger devient celui qui a les clés en main. Tout ça est raconté de façon extrêmement fluide et cohérente par un Kieslowski étonnamment drôle et débarrassé de l'empesage qui a parfois endommagé ses films. Une de ses plus belles réussites, aucun doute.

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