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11 mars 2021

Possessor de Brandon Cronenberg - 2021

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Papa ayant depuis quelques temps déserté les champs du glauque et de la manipulation génétique, c'est donc au fiston que revient le rôle : Cronenberg fils s'en tire plutôt pas mal avec ce film qu'on croirait réalisé par son père il y a 25 ans. Incroyable de voir comment les gènes du sanglant et du sulfureux sont passés de l'un à l'autre. Si je dois avouer mon manque de passion pour ce genre (la SF sophistiquée), je dois reconnaître aussi que le film cultive un trouble très agréable, grâce à un goût certain et plus prononcé que papa pour le gore, grâce à une atmosphère étrange et torve, grâce à un montage fluide et un savoir-faire indéniable de metteur en scène.

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C'est côté scénario que je reste le plus dubitatif. Bon, résumons un peu : une organisation secrète a réussi à trouver un système pour que ses agents pénètrent à l'intérieur du corps des gens et les obligent à commettre des meurtres en prenant possession de leur volonté, ce qui est bien pratique pour assassiner un concurrent en affaires ou faire couler un ennemi. A cet exercice, c'est l'agent Vos qui est la plus compétente : elle voyage d'un corps à l'autre, exécutant sans broncher les gusses avant de réintégrer sa petite vie de famille. Le seul truc, c'est que pour sortir du corps du cobaye, il faut se tirer une balle dans la bouche, ce que ne parvient jamais à faire Vos, on ne sait pourquoi. Sa nouvelle mission lui fait intégrer la personne d'un homme qui va s'avérer plus coriace que les autres, fasciné par la soif de meurtre incontrôlable (mais contrôlée...) qu'il ressent soudainement. Le retour à la normale s'éloigne de plus en plus, et on grimpe assez vite les échelons de la violence brutale... Sur ce postulat guère crédible tout de même, Cronenberg fabrique un film tout de froideur et de distance, de lenteur et de pics sanglants, pour dresser au final le portrait de cette femme, Vos, embringuée dans un système dont elle ne mesure pas l'ampleur et les dommages psychologiques.

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Complètement sur les traces de son père, Cronenberg ressuscite ce style sophistiqué qui a fait sa gloire : son film est comme sur du papier glacé, avec les émotions tenues à distance ou scrutées comme des expériences scientifiques. L'absence d'affect quand il s'agit de zigouiller des types, souvent dans des conditions hygiéniques pas très nettes, est compensée par une complexité (supposée) psychologique qui ne transparaît qu'à de rares reprises : c'est à travers des effets visuels un peu ringards d'ailleurs que le cinéaste parvient à nous faire comprendre que Vos est déséquilibrée, que le corps qu'elle possède est celui d'un homme bourré de névroses et de rancœurs sociales (il est d'une classe nettement en-dessous de celle de sa belle-famille, ce qui fait monter en lui une haine qui va très vite le dépasser). Au risque de frôler le simple concept (son père est tombé dans ce piège parfois), il met tout à distance, et ne rend ses personnages humains qu'au détour d'un flash d'émotions qui jaillit sans prévenir. On contemple la chose comme dans un musée, sans réelle émotion, sans empathie pour ce personnage antipathique, sans vraiment vibrer plus que ça, sans déplaisir non plus. Là où Cronenberg est plus convaincant, c'est dans le gore : l'exécution de la "cible" est hyper sanglante, assez gerbatoire, et on apprécie de voir ce salvateur retour au corps et aux fluides dans un film par ailleurs trop cérébral et conceptuel. Dans le genre, qu'on appréciera si on aime les vastes concepts SF un peu fumeux, Cronenberg réalise une excellente mise en scène, tout en faux-fuyants, en lumières froides et en fétichisme ; à voir donc, si vous aimez le genre, comme on dit dans Télé Poche. Sinon, zappez uniquement sur les scènes de violence : elles sont spectaculaires.

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