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24 février 2021

LIVRE : Si ça saigne (If it bleeds) de Stephen King - 2020

9782226451057,0-6967017Ça me prend parfois comme ça, comme une envie de crêpes, de retenter Stephen King. J'en ressors la plupart du temps avec l'envie de détruire l'ensemble de l'humanité, mais allez comprendre, je repique sans arrêt au truc. Lecture est faite donc, de ce Si ça saigne, recueil de quatre courts romans, ou longues nouvelles, qui se piquent de nous flanquer les miquettes pour pas un rond, ou au moins de déployer le fameux univers inquiétant et imaginatif de l'auteur, désormais adulé aussi bien par les ados boutonneux que par les critiques du Monde. Le résultat : oui, le gars a un univers, c'est indéniable, il fabrique des intrigues au kilomètres à la même vitesse que Shang engloutit des films japonais, et il les construit efficaces et spectaculaires. Il sait distiller les coups de théâtre en fin de chapitre, sait insuffler de l'étrange dans le quotidien, bref son livre est carré et lui ressemble bien. Nouveauté depuis quelques livres : King est convaincu qu'il est un bon écrivain, et sème donc dans ses livres des notes sur le travail bien entendu ardu de la création littéraire, se plaçant sans tiquer face à des auteurs comme Franzen ou Updike, convaincu que ses conseils aux écrivains en herbe et au public avide de recettes de son savoir-faire extravagant sauront tirer profit de ses leçons de style et de son expérience d'auteur à succès. La dernière nouvelle ("Rat") est à ce titre poilante : les affres d'un écrivain convaincu qu'il va écrire un chef d’œuvre, et qui se heurte à la panne d'inspiration jusqu'à passer un pacte avec le diable. King essaime dans ce texte des conseils et des pensées sur l'écriture, et on se tape sur les cuisses devant les soucis du type : plutôt utiliser "banc" ou "fauteuil" ? diable, voilà un dilemme douloureux, qu'en penserait Franzen ? King est à deux doigts de se prendre pour Pierre Michon. Et puis non, finalement : c'est si mal écrit qu'on se dit que ce ne peut pas être autobiographique.

Car l'univers il est vrai singulier du gars est dilué dans une écriture absolument impossible. Ça a toujours été sa méthode : balancer un événement traumatique dans les premières pages écrire 300 pages inutiles, et finir à nouveau par du spectaculaire. Ici, même les débuts et les fins sont ratées. On assiste donc à des histoires longuissimes, répétitives, ennuyeuses à mort, pleines de notations redondantes et de détails insignifiants, pour nous faire patenter jusqu'à un dénouement très fade. Le bagage psy de King se réduisant à l'étude de magazines pour femmes, les personnages, inexistants, clicheteux, se battent au milieu d'une trame insane, qu'on aurait pu trouver dans un recueil pour ados mais qui se targue ici d'être de la grande littérature. La nouvelle centrale et la plus longue ("Si ça saigne"), suite au déjà très épais Outsider, n'en finit plus de finir, délayant sur 200 pages des phrases qui ne cessent de raconter la même chose sous différentes formes. Poe aurait pris 20 pages là où King en prend 450, et le livre tombe littéralement des mains avec son contenu inepte, ses recettes éculées de séries américaines des années 80, ses développements de roublard, ses tramettes vues mille fois déjà chez cet auteur. Si le gars reconnaissait qu'il ne fait que des petites histoires marrantes pour "La Quatrième dimension", à la rigueur on pourrait lui pardonner et se moquer un peu de ceux qui trouvent encore dans ses trames de quoi trembler ; mais ici il fait preuve d'une morgue et d'une auto-satisfaction déplaisantes, surtout au vu de l'écriture affreuse des textes. Un type qui arrive à communiquer avec un mort par téléphone ; la fin du monde représentée par une seule mort ; la traque d'un extra-terrestre qui se nourrit du malheur de l'humanité ; un écrivain qui parle avec les rats : à aucun moment on ne frémit, à aucun moment le trouble ne surgit (comme ce fut la cas avec Shining par exemple, un des seuls exemples de bon livre de King), on est juste enseveli sous les mots, inutiles, fades, fonctionnels. Un des pires livres de son auteur, qui en a pourtant fait beaucoup...

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