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20 février 2021

Hair de Milos Forman - 1979

hair

Un film-culte pour nos 15 ans, et un qui se situe dans le genre que j'affectionne tout particulièrement : la comédie musicale. Hair est le symbole de ces années hippies et anti-Vietnam, et il faut reconnaître que, tant dans sa musique que dans ce qu'il raconte (et ce qu'il envoie aux orties), il est encore diablement moderne. Le film rompt radicalement avec le genre, c'est une qualité en même temps qu'un défaut. Au foin la perfection des chorégraphies de l'âge d'or d'Hollywood : ici, c'est un beau bordel d'interprétations floues, d'amateurisme et de lâcher-prise. La danse est traitée comme l'expression de l'anti-conformisme, et du coup elle est bien plus souvent une série de gigotages et de poses lascives qu'une discipline ardue. Ça fait bien plaisir de voir ces jeunes gens se démener sans tenir aucun compte de l'harmonie d'ensemble, ou de la beauté du geste, autant de règles sacro-saintes jadis. Ici, on s'agite, autant pour se dépenser que pour faire chier mémé, et tant pis si le résultat ferait s'évanouir Gene Kelly. Ce qui compte, c'est l'expression directe d'une énergie et d'une position face à la société : le résultat est bordélique, certes, mais aussi rafraichissant et nouveau. On aurait bien aimé que certains passages soient un peu plus travaillés, notamment dans les moments les plus émouvants, qui nécessiteraient un peu plus de pureté de trait ; mais cette danse de "sauvages", la plupart du temps, est parfaite pour exprimer cet air du temps anar et décomplexé.

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Ce gros désordre se retrouve toutefois dans le scénario, et c'est plus dommageable. Le montage de Michael Weller échoue totalement à donner une cohérence à cette histoire, trop axée autour des numéros chantés (c'est une adaptation d'une comédie musicale de Broadway), et on a plus l'impression d'une succession de parties musicales que d'une vraie trame cohérente. Là, on tique un peu plus : les chansons arrivent comme un cheveu sur la soupe, dans des séquences qu'on sent ajoutées là au petit bonheur, sans souci de progression dramatique (le rythme retombe souvent brutalement). Forman a voulu tout mettre, mais ce qui passe au théâtre ne passe pas forcément au cinéma, et le scénario se montre souvent incohérent, pataud, trop chargé en danses et en chansons. On aurait préféré qu'il coupe (d'autant que tous les morceaux ne se valent pas) et s'intéresse plus à son histoire, qui est pourtant intéressante : ça raconte la parenthèse enchantée d'un plouc de l'Oklahoma débarquant à New-York pour y attendre son intégration dans l'armée, et qui croise la route d'une bande de hippies sans règles et joyeux comme des puces ; ceux-ci vont lui faire découvrir les joies de la chanson, de la danse, de l'amour, de la baignade à poil et de la grosse rigolade, jusqu'à le faire douter de sa vocation militaire. Une sorte de rapport en condensé de l'état de la société américaine à l’époque, qui broya sa jeunesse folle pour aller la faire mourir au Vietnam, si vous voulez : tout ça se terminera mal, devant une tombe, avec cette exhortation douloureuse : "Let the sunshine in", bande de salopards.

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Bon, si on oublie le scénario un peu massacrée sur cette histoire qui offrait des possibilités autrement plus belles, notons que la mise en scène de Forman est superbe. Le gars dynamite le genre un peu désuet de la comédie musicale par des mouvements de caméra amples, par une vision du rapport entre les races, par une irrévérence dans le ton, qui ravissent encore aujourd'hui. Le montage est erratique, mais chaque séquence recèle son lot de trouvailles techniques, de mise en scène effectuée en liberté, sans se soucier de "ce qui se fait". Les chansons et les dialogues, hyper irrévérencieux pour l’époque, font le reste : que ce soit la chanson sur la sodomie et la fellation du début (on plonge de suite dans le bain) ou le manifeste "I'm Black", que ce soit le libérateur "I got Life" ou l'ambigu "Black Boys / White Boys" (chanson qui lui vaudrait 12000 procès d'intention aujourd'hui), chaque morceau est un nouveau moment d'irrévérence, dopé par une caméra mobile et taquine qui en rehausse l'insolence. Culte, du coup, oui, pour ce qu'il secoue le cocotier avec une vigueur assez effarante, et pour le plaisir de retrouver quelques bons vieux morceaux de musique.

Hair-savage

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