Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 février 2021

LIVRE : Ferragus d'Honoré de Balzac - 1833

9782081201354,0-351762Ma récente vison de Out 1 de Rivette m'a donné envie d'aller jeter un œil sur cette fameuse bande des "Treize" dont il est question dans le film. Sous ce titre se trouvent trois courts romans du bon Balzac, parmi lesquels ce Ferragus que j'ai découvert à l'occasion. Bon, Balzac a beau nous faire saliver dans sa préface en nous parlant d'une mystérieuse secte très puissante et secrète dont il va nous raconter de ce pas les agissements occultes, on en trouvera très peu de traces dans ce livre. Oui, ok, Ferragus est sûrement un de ces "treize", et son action montre bien la puissance du type et les accointances secrètes qu'il a développées (un petit côté franc-maçon dans ce groupe, confirmé ici par les sortes de liens occultes de Ferragus). Mais il n'est après tout que peu question du groupe, et on se retrouve plutôt devant une histoire assez classique chez Balzac de femme trompée, d'amants soupçonneux et de mort lente. Le livre raconte la perte de trois personnages : une femme au-dessus de tout soupçon, fidèle et juste, qui se trouve embringuée dans une histoire d'adultère ; son amoureux secret, vague petit noble qui découvre son secret et veut absolument lui faire dire la vérité ; et son mari, homme intègre qui se met subitement à douter d'elle sous la pression du précédent. Cet imbroglio va tourner assez vite au mélodrame pur, avec femme qui lève ses petits bras de son lit de malade pour implorer son mari, duels à l'aube, gabegie morale, le tout sous l’œil de l'implacable et surpuissant Ferragus, donc, un de ces personnages dont Balzac a depuis toujours le secret, bigger than life et d'une densité humaine prodigieuse. A vrai dire, cette histoire est un peu trop lacrymale pour qu'on s'y intéresse vraiment, et notre Honoré a du mal à passionner avec ces éternelles tergiversations amoureuses et ses secrets familiaux enfouis. On note bien la justesse de la psychologie, notamment dans ce joli personnage d'Auguste de Maulincourt, amant frustré dont l'obsession devient de faire du mal à la femme parfaite dont il est épris et qui lui est inaccessible ; on apprécie aussi les ruses que Ferragus déploie pour l'éradiquer, du fiacre sans frein à la corniche qui tombe comme par accident en passant par l’empoisonnement capillaire, pas moins.

La beauté du roman est pourtant là, mais c'est plutôt dans les digressions qu'il faut aller la chercher. Dans le portrait de la population parisienne, notamment lors d'une pluie battante qui pousse tout le monde sous une porte cochère : on a là, caricaturé en quelques traits époustouflants de justesse et de cruauté, tout un peuple qui est dessiné, rassemblé quelques secondes en ce point, et la plume de Balzac est d'une justesse, d'une drôlerie, d'une méchanceté ahurissante. C'est dans ce moment-là, curieusement, la rapidité de style qui marque, exercice dont cet auteur est peu friand : quelques lignes, et on est au cœur de la "Comédie humaine". De même que pour cet étrange ajout à la fin de l'histoire, une fois tout le monde expédié ad patres : le portrait du gardien du cimetière du Père-Lachaise, et plus largement les réflexions sur les façons d'envisager le mort à Paris, sont de merveilleuses pages à la fois sociologiques et drôles, palpitantes et éducatives, c'est parfait. Dans ces moment-là, et bien sûr dans la précision du trait, dans la vision d'ensemble du projet de son livre, dans la justesse des personnages, dans l'invention de ces êtres plus grands que la nature, on reconnait son Balzac tout de suite, et on se glisse avec délice dans cette nouvelle histoire édifiante.

Commentaires
Derniers commentaires