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17 février 2021

La Femme en Robe de Chambre (Woman in a Dressing Gown) (1957) de J. Lee Thompson

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Si la fin de carrière de l'anglais (ben oui, décidément) J. Lee Thompson n'a rien d'enviable (les daubes avec Charles Bronson, c'est lui), il a su heureusement par le passé nous servir quelques pépites (Cape Fear, s'il ne fallait en citer qu'un). Il nous livre ici un film très solide (à conseiller à toute personne en état d'adultère), une partition à trois pleine de tension et de lâcheté... Il y a donc bien sûr la femme, la cocue, une donzelle irritante (rien que sa voix me fout des frissons), femme au foyer dépassée du matin au soir, une brouillonne pleine de dévotion pour ses deux hommes (le mari et le grand dadais de fiston), toujours à la bourre, semi-hystérique, incapable de vivre sans le bruit permanent de la radio poussée à fond. C'est Yvonne Mitchell qui l'incarne et on ne peut pas dire que la bougresse s'économise dans ce rôle plein d'énergie gâchée. A ses côté le mari (Anthony Quayle as Jimbo), un type aux traits mous, un peu taiseux qui n'ose contredire franchement sa femme, ni dans les mots, ni dans les gestes : il se laisse chaque matin, chaque soir, (mal) servir, le type s'installant sur son siège pendant que l'autre s'agite en vain. Un type veule, moyen. Et puis il y a la maîtresse, une blondinette plutôt pimpante, une petite secrétaire (Sylvia Syms) qui a jeté son dévolu sans que l'on sache trop pourquoi sur ce bon vieux pachyderme de Jimbo, qu'elle nomme Preston pour lui donner sûrement plus de prestance. Tous les dimanches, il vient la rejoindre, tous les dimanches, il jure ses grands dieux qu'il est trop bien à ses côtés, qu'il va annoncer le lendemain à sa femme qu'il la quitte. Elle attend, elle attend, mais l'idée commence à faire son chemin : Jimbo est prêt à prendre le taureau par les cornes, enfin disons par une corne, ou plutôt par le bout de la corne... Enfin bon, il veut s'y atteler malgré qu'il en ait (des doutes...) D'autant que l'on ne sait pas trop, sur le coup, quel est son pire ennemi : sa femme ou lui-même ? 

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Pendant que Jimbo bosse ou roucoule, on assiste dans un premier temps aux efforts de cette pauvre Yvonne pour tenir son foyer ; et c'est un marasme, une gabegie de mouvements pour remuer la poussière avant qu'elle ne retombe quelques centimètres plus loin : cuisine, repassage, rangement, elle échoue à tous les postes et la pauvre en deviendrait presque comique s'il y avait encore de place, dans cette pièce à vivre, pour une émotion. On sent qu'elle aimerait y mettre tout son cœur, on constate surtout qu'elle est organisée comme un panda. Pas faite franchement pour ce rôle difficile, mais vu ses deux assistés d'hommes, on ne peut finalement guère lui donner tort - au moins, elle essaie... Jimbo, parfait de lâcheté, attend le bon soir pour lui annoncer la Nouvelle... Il se lance enfin et c'est forcément la crise, le soir-même, et le lendemain matin... Yvonne finit par lâcher un souhait : elle veut qu'ils se rencontrent tous les trois pour mettre les choses à plat. Jimbo chie un peu dans son froc, lui qui est pourtant toujours d'accord avec la dernière personne qui parle... Mais il accepte,  Sylvia aussi. Motivée par sa jeune amante aimante et accablée par sa femme collante, on pense que le Jimbo ne devrait tout de même pas avoir trop de mal pour savoir de quel côté faire pencher la balance. C'est oublié que parfois les hommes aiment à se contenter de la facilité, de la paresse, de la mollesse : vaut-il mieux dominer celle que l'on n'aime plus guère ou risquer de se faire un peu bousculer par celle qu'on admire passionnément ? On croise les doigts jusqu'au bout en espérant que le Jim est un accès de fierté... Le cinéaste multiplie ses efforts, malgré les endroits clos, fermés (cette putain de "pièce à vivre" encombrée) pour diversifier les angles de prise de vue, pour booster son montage et ça fonctionne parfaitement : on est pris dans cet folie du dévouement d'Yvonne qui n'accouche de rien et dans ces mots qu'elle finit par lancer à la tête de son mari et qui ricochent sur toutes les parois de l'appartement. On sent autant son manque de productivité que sa foi envers son homme - à l'image de cette volonté de se faire belle pour lui, pour ce Grand Soir, et pour ce résultat qui ressemble à une déroute napoléonienne. La caméra de JLT virevolte pour capter tous ces gestes qui n'aboutissent rien, pour suivre toutes les paroles qu'elle déblatère et qui peuvent malgré tout finirent par trouver leur cible dans l'esprit de cet homme qu'elle ne connaît que trop bien. Un combat à trois épuisant, laminant, désespérant (aussi bien par sa banalité que par cette issue imprécise) joliment capté par un cinéaste qui avait alors encore des ambitions artistiques. Superbe bataille en chambre. 

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