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14 janvier 2021

LIVRE : Serge de Yasmina Reza - 2021

9782080235930,0-7017554Yasmina Reza est pour moi l'auteur d'un seul livre (Art), aussi suis-je bien agréablement surpris de la voir écrire Serge, farce douce-amère très plaisante et qui m'a fait passer deux heures très confortables. Oui, alors attention, on n'est pas du tout dans la grande littérature, et certains passages sont même prodigieusement agaçants, j'y reviens. Mais il y a toutefois dans ce roman aussi rapide que touchant quelques pages très drôles et une réflexion modeste et feutrée sur la mémoire. Reza, en héritière de son travail au théâtre, écrit quelques dialogues dynamiques et fun, et parvient à force de pratiquer un humour "juif" parfois proche d'un Woody Allen à parler de choses très sérieuses, sous couvert de petites phrases a priori innocentes. Le livre raconte la vie de Jean, narrateur du récit, frère du milieu coincé entre une sœur caractérielle et surtout un frère aîné (Serge) parfaitement insupportable, rempli de TOC et de caprices, de rancune et de biographie mal assumée. Jean trace le portrait de toute sa famille, mais c'est sur ce frère qu'il se concentre, au travers notamment de l'élément central du livre : une visite familiale à Auschwitz, sur les traces de ce qui reste de l'histoire de cette famille. Une virée qui va tourner au cauchemar, le camp étant devenu un site touristique comme les autres, la mémoire de ce qui s'y est passé se perdant peu à peu dans les limbes, et Serge opposant à la bien-pensance ordinaire de sa famille un comportement buté (la plus belle réflexion du livre : "Souviens-toi. Mais pourquoi ? Pour ne pas le refaire ? Mais tu le referas. Un savoir qui n’est pas intimement relié à soi est vain. Il n’y a rien à attendre de la mémoire. Ce fétichisme de la mémoire est un simulacre").

Malgré la lourdeur du sujet, Serge est une farce, un jeu de massacre qui s'attaque aux derniers tabous de notre civilisation : la famille et la mémoire. On rit pas mal à ces dialogues entraînants et justes, à quelques réflexions de Reza sur le monde contemporain, à son regard acéré sur nos petites manies pathétiques, aux notations sur sa famille qui se rêve ultra-juive mais qui n'est que trivialement ordinaire. Le roman est réussi, plaisant, et passe comme une récréation délicieuse. Bon, c'est un peu là que s'arrête la chose : c'est une récréation, point, et le livre s'oublie aussitôt refermé, par manque d'ambition, de puissance, de vision. Semblable en ceci à l'essentiel de la littérature contemporaine, ses bras sont trop courts pour dépasser le stade de l'amusant, du Pennac bis, de la lecture paisible et rigolote. Malgré la modestie cultivée par Reza, elle ne peut s'empêcher de tenter de temps en temps la grande littérature, ce qui donne des trucs insupportables (un "squelette velouté" qui pour moi n'a aucun sens) ou des pages qui cherchent la complicité avec le lecteur beaucoup trop appuyées. Passé le plaisir certain à lire la chose, on se dit qu'on aura oublié le roman dans trois jours. Bon, c'est déjà mieux que beaucoup de livres...

Commentaires
M
"La modestie cultivée" de Y. Reza ??? ! ! ! !<br /> <br /> Hum hum hum... Première nouvelle.<br /> <br /> Il s'agit bien de la même ?
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