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5 janvier 2021

Cuban Network (Wasp Network) d'Olivier Assayas - 2019

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Du travail soigné de la part d'Assayas, comme ce fut le cas avec son Carlos : son film, très documenté, on l'imagine précis jusqu'à la moindre coupe de cheveux, irréprochable au niveau de la reconstitution, vous en apprend de bien belles sur les relations entre Cuba et les États-Unis dans les années 90 et permet d'entrevoir l'envers du décor des infos qui tombaient à l'époque sur cette autre guerre froide. Ça espionne à tout va dans ce microcosme des réfugiés politiques cubains à Miami, ça contre-espionne aussi, et ça se déchire sur fond de trafics de drogue, de jeux d'influence et d'attentats. Tout ça tourne autour, principalement, de trois personnages : un pilote d'avion qui se fait passer pour anti-castriste et infiltre les activistes extrémistes (Édgar Ramírez) qui menacent son pays ; son pote chef de réseau (Gael Garcia Bernal) ; et un acteur de cinéma passé du côté des militants, jouant également un double-jeu (Wagner Moura). Il y a aussi la femme du personnage de Ramirez (Penelope Cruz), véritable victime de l'ambivalence politique de son époux, puisqu'elle sera condamnée à le prendre pour un traître pendant des années avant, une fois réhabilité, qu'elle lui échappe, emprisonné par les Américains. Oui, parce que tout ça se terminera mal, comme on sait, on ne joue pas avec le FBI sans conséquence. Avant l'arrestation, on aura quand même droit à quelques beaux moments de bravoure, que ce soit dans le ciel ou à terre, qu'Assayas filme avec compétence et sens du rythme.

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Le film fait habilement la balance entre drames intimes et immenses enjeux politique, les uns étant la conséquence des autres. La plus belle séquence est celle du dynamitage des hôtes cubains : un terroriste navigue entre les hôtels pour y poser ses bombes, et on sent toute la densité humaine de cette violence, le poids de tension qui tombe sur lui, la fragilité de ce petit mec pris dans un acte qui le dépasse, dans une idéologie politique finalement vaine. Précisément mis en scène, rythmé impeccablement, ce moment montre que Assayas n'est pas le dernier pour rendre humaine et crédible une situation. Il y a presque du Pollack dans cette séquence, filmée qui plus est avec une modestie qui lui fait honneur, sans jamais qu'il n'use d'une de ces crâneries obligées dans ce type d'exercice. Cuban Network est une sorte d'anti-Scarface, où quand il y a spectacle, il est soigneusement dosé, asservi à la réalité, jamais gratuit. Cette intimité opposée à la grande histoire tient aussi beaucoup au couple Ramirez-Cruz, qui devient presque plus important à la fin que la trame historique : la descente aux enfers du héros va en parallèle avec la chute de sa femme, et l'inverse mouvement de l'amour retrouvé, c'est assez joli (la dernière scène au parloir, où Cruz jure un éternel amour à l'homme qu'elle reconsidère enfin comme un héros). Le sérieux papal du film l'étouffe un peu, c'est vrai, et certaines scènes purement informatives semblent avoir pour seule nécessité la véracité coûte que coûte ; on sent qu'Assayas ne veut pas avoir à entendre des critiques sur la vérité de ce qu'il raconte, et sature un peu son truc de notations politiques absconses ou de détails trop touffus pour mettre l'authenticité de son côté. On s'ennuie parfois, on décroche un peu, on baîllotte devant des dialogues à rallonge, mais la compétence du gars refait surface à intervalles réguliers, dans les scènes d'action notamment, et on suit avec plaisir ce petit bout d'histoire ignoré, campé avec conviction et filmé en vrai artisan.

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