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2 janvier 2021

Les belles Années (Uruwashiki saigetsu) (1955) de Masaki Kobayashi

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Kobayashi est définitivement un grand auteur japonais avec lequel il faut toujours compter. On est, encore et toujours, dans l'après-guerre, et l'on suit, en particulier, dans ce film qu'on pourrait presque qualifier de "choral" tant il y a de personnages, trois amis : trois amis d'enfance, trois amis qui ont fait la guerre et qui y ont d'ailleurs perdu l'un des leurs. Peut-on, malgré tout, continuer de rester le même, dans ce monde bouleversé ? Pas sûr, tant le travail est plus dur, tant les relations sentimentales sont loin d'être gagnées d'avance (faire un mariage de raison ou un mariage d'amour, l'éternel débat), pas sûr, disais-je, à tel point que ce trio jusque-là soudé n'est pas à l'abri d'éclater en plein vol tant chacun, forcément, est amené à suivre son chemin sans devoir forcément être toujours d'accord avec les idées de l'un de ses comparses...

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Le film est passionnant tant les destins se croisent, s'entrecroisent, et tant les petits aléas de la vie font que chacun des trois personnages ne sait absolument point d'avance quel boulot il fera et avec quelle donzelle il finira lorsque le the end tombera... Il y a parmi eux, tout d'abord, un jeune docteur qui commence le film en démissionnant de son poste à l'hôpital : puisque le profit semble avoir remplacé tout humanisme autant tout de suite en finir. Il est amoureux, le bougre, d'une jeune fille fleuriste (elle travaille au magasin avec sa grand-mère ; c'est son frère qui était le quatrième comparse tombé au champ de bataille) interprétée par la kinoshitienne Yoshiko Kuga (celle avec le petit grain de beauté nasal) : seulement voilà non seulement le bougre peine à se fixer dans un taff mais en plus il a bien du mal à avouer ouvertement sa flamme à la jeune femme ; jeune femme qui fréquente depuis peu un autre jeune homme d'un milieu social, dira-t-on, plus élevé, une rencontre qu'elle doit à sa grand-mère qui a fortement sympathisé avec un homme d'affaires à la retraite après un accident de la route (épisode qui ouvre le film... oui, je sais, il faut suivre). Le second compagnon est un ouvrier qui vit dans une baraque de bric et de broc qui menace d'être détruite : il fait le dos rond au boulot pour tenter de préserver sa famille qui vit dans des conditions plus que précaires - lui aussi, tout de même, a du caractère, et il ne faudrait pas que son boss lui cherche trop de noises... Ajoutons, pour le plaisir, que la soeur du docteur est secrètement amoureuse de lui. Enfin, il y a le plus nonchalant du trio, un jeune homme qui tente de gagner quelques yens en jouant de la batterie dans un club : il est très proche d'une jeune veuve avec enfant touchée par la tuberculose... Désillusionné, suite à la mort d'un autre proche, il ne semble plus guère croire à l'amour ou à l'amitié. Bien.

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Cela posé que nous raconte cette œuvre particulièrement dense ? Eh bien, il sera justement question d'espoir (d'union), d'opportunités (de travail), de désillusions et d'éventuelles rédemptions (vaste programme mais finalement assez classique en soi). Tout du long, notre trio fait preuve d'une certaine adversité pour tenter de faire face aux multiples petits problèmes du quotidien. Juste après une scène, dans un cimetière (celui des illusions ?), où leur amitié vole en éclats, un événement va pousser le trio à devoir faire preuve de solidarité pour sauver l'un des siens... Vit-on dorénavant dans un monde sans principe ou peut-on encore tenter d'inverser la tendance avec un minimum d'entraide ? De même, les amours des uns et des autres semblent prendre une voie pour le moins sans issue... Kobayashi, là encore, dressera-t-il un constat pessimiste sur le sujet ou laissera-t-il filtrer des possibilités de bonheur à deux ? Comme on l'a dit, le film, très subtilement construit, ne cesse d'aligner les scènes avec deux, trois ou quatre personnages, faisant pratiquement à chaque fois évoluer la situation... Les lieux sont variés (lieux de travail, du chantier à l'hôpital en passant par le magasin de fleurs et le club ; multiples scènes également en extérieurs notamment entre la grand-mère fleuriste et ce nouvel ami âgé : des scènes ozuesques, souvent très touchantes, qui donne lieu à la plus belle réplique du film : "cette rue est magnifique sous la pluie" - oui, il m'en faut peu, parfois, pour craquer) et Kobayashi sait à chaque fois varié à la perfection sa façon de filmer (travelling latéral pour suivre un couple, caméra fixe qui joue de la profondeur de champ pour filmer sur trois niveau les membres d'une famille, caméra très mouvante pour traduire l'agitation des scènes dans le club...). C'est magnifiquement joué et mis en scène, plein de rebondissements et de petits moments poignants, et la dernière scène, forcément dans un train, devrait finir par vous couper le sifflet une bonne fois pour toute. Kobayashi encore un maître nippon. Magistral.    

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