Florent-Marchet-Le-monde-du-vivant

Il ne suffit pas d'avoir bu quelques rhums amicaux dans un sombre bar de Shanghai avec un auteur (compositeur) pour trouver tout ce qu'il fait absolument génial et mirobolant. Certes. Une fois cela posé, que dire de ce roman que l'on pourrait situer entre Jean Anglade (pour le petit côté régionaliste, terroir, paysan - ce qui n'est pas forcément sympa) et Jean-Patrick Manchette (pour le final en forme de polar noir ce qui est sans doute une référence et un compliment un peu forcés) ? L'histoire, elle, pourrait s'apparenter au niveau du contexte à un récit mauvigniesque : un jeune type ingénieur-agricole décide, avec femme et enfants, de s'installer à la campagne pour bénéficier à la fois de la vie en pleine air et pour tenter de mettre en place ses idées nouvelles (anti-monsantesque) sur l'agriculture. On suit à la fois ses difficultés au quotidien (pour se fondre dans le paysage local, pour vivre de son labeur, pour opiner constamment devant les idées néo babos d'un WWOOFeur) et l'éveil à l'amour de sa fille, une adolescente dont les sangs commencent à bouillir. Bien. C'est aussi léger qu'un film des eighties genre Eté en pente douce avec climat solaire, sensualité sur la brèche et drame à l'horizon... Marchet n'étant pas Mauvignier (que ce soit dans l'art de la narration romanesque ou dans le style - c'est le moins qu'on puisse dire...), on suit la chose avec une petite moue au bord des lèvres, comme on le ferait devant un téléfilm sur France 3 un soir d'orage caniculaire... C'est pour le moins relativement prévisible (l'excitation et les désillusions de l'ado, la pugnacité et les désillusions du pater, l'illumination et les dérapages non contrôlés du WWOOFeur (c'est bon, vous avez eu le temps de regarder sur Wiki de quoi il retournait ?)) mais on va jusqu'au bout de ce roman dans l'air (écolo) du temps par empathie pour Marchet et sympathie pour cette petite famille dont les rêves se froissent chemin faisant... Le final est sans doute un peu forcé, un peu trop tragico-romanesque pour être tout à fait crédible mais ce petit bouquin se goûte, dira-t-on, avec la même simplicité que des grains de maïs servis dans un pot en verre (il me fallait bien une métaphore douteuse pour finir l'année). On se reprend un rhum quand tu veux, Florent, à Tsingoni, en chantonnant ton prochain album ? Tope-là. Garanti sans OGM mais pas forcément, littérairement, très goûtu.