Il est toujours bon de finir l'année avec Bob Bober, cet homme d'images et de mots que l'on avait découvert, grâce aux références julesetjimesques de On ne peut plus dormir tranquille quand on a une Fois ouvert les Yeux. Bober écrit ici une longue lettre-hommage à son compagnon de télévision Pierre Dumayet : l'occasion pour Bob de revenir sur une foules d'anecdotes, de citations, de situations, de rencontres... Avons-nous jamais vu une collaboration télévisuelle entre les deux hommes ? Il me faut bien avouer que non (ou alors c'était il y a longtemps...) ce qui n'est en rien handicapant pour prendre plaisir à la lecture de cet ouvrage. Il y a un je-ne-sais quoi dans l'écriture de Bober, dans cette façon si intime de s'adresser à son ami Pierre et donc au lecteur, qui nous le rend immédiatement proche - à tel point qu'on aimerait vivement partager avec lui un sandwich (comme eut la chance de le faire Jean Rochefort - pour parler de tout, de rien, ou ne point parler du tout) ou une verveine au coin du feu. Même si cette lettre peut paraître parfois un peu décousue (l'homme aime à multiplier les parenthèses, les digressions, les allers-retours), Bober, cet ancien compagnon de l'irremplaçable Perec, finit par tisser une sorte de patchwork d'expériences qui fait globalement sens. Qu'il évoque ses rencontres avec de Grands Rabbins ou Monseigneur Lustiger, qu'il nous parle d'images, de livres, du traitement du silence, de photos, c'est à chaque fois avec une douce passion et c'est surtout à chaque fois passionnant. A chaque nouveau chapitre, on s'engage dans l'évocation d'une rencontre, dans le souvenir d'un livre, dans le récit d'une expérience de terrain et en quelques phrases on plonge les deux pieds en avant dans ces histoires diverses, incapable de lâcher le bouquin jusqu'à la prochaine respiration, cet espace blanc qui nous fait penser le sourire aux lèvres à ce que l'on vient de lire, de découvrir. Il y a chez Bober un respect des gens (hommes célèbres comme tailleurs de pierre), un respect des écrivains, des livres qui est automatiquement communicatif. Il y a chez Bober une intelligence dans le choix des images sur des mots (un savoir non point scolaire, non point purement théorique) qu'il tente de nous retranscrire en toute simplicité et avouons que cela faisait longtemps qu'on n'avait pas eu droit, aussi humblement, à une telle leçon sur la façon de réaliser un documentaire (même si parfois on n'est pas, a priori, forcément d'accord avec lui sur certaines idées (Bober trouvant par exemple terrible qu'un réalisateur de doc s'efface totalement dans le traitement d'un sujet)), sa façon de débattre, d'expliquer sa réflexion finit forcément par infléchir notre pensée, par nous convaincre du bien-fondé de sa position - et vu notre mauvaise foi au quotidien, reconnaissons volontiers que cela est un véritable tour de force). Bref, que vous connaissiez ou non Bober, que vous connaissiez ou non son travail, vous ne pourrez que vous régaler à la lecture de ce bouquin, à la gloire des écrivains, à la gloire des lecteurs, véritable mine d'or d'analyse de l'image, une lettre qui ne nous est pas forcément adressés au départ mais que l'on prend plaisir à feuilleter de bout en bout. Gloire à l'immortel Bober.
24 décembre 2020
LIVRE : Par Instant, la Vie n'est pas sûre de Robert Bober - 2020
Vous aimerez peut-être :
Commentaires sur LIVRE : Par Instant, la Vie n'est pas sûre de Robert Bober - 2020
Nouveau commentaire