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26 novembre 2020

Las Horas del Día de Jaime Rosales - 2004

Las-horas-del-día

Le premier film du précieux Jaime Rosales contenait déjà tout ce qui constituera son style futur : distanciation, aliénation, poids de la société sur l'humain, ce genre de trucs rigolos. Tout n'est pas encore très maîtrisé à l'époque, mais c'est intéressant de voir la naissance d'un style, surtout quand il est assez brillant comme celui-ci. Las Horas del Día raconte de façon presque austère le quotidien très banal d'un homme : on le voit discuter avec son épouse, négocier le salaire de son employée, préparer des pâtes, tuer une femme, prendre le métro, boire une bière au bar du coin, donner un coup de main à son pote, etc. Ah oui, c'est vrai, tuer une femme n'est pas banal. C'est bien là que le bât blesse. Abel est aliéné, c'est-à-dire que la vie, sa femme, son boulot, ses obligations sociales, sont un tel poids sur lui qu'il est obligé de compenser en tuant, gratuitement ; mais l'acte criminel est filmé avec la même non-intensité que ses dialogues houleux avec son employée ou sa femme ou que le simple fait d'aller se coucher au bout d'une journée de boulot. Comme si tuer faisait partie des choses à faire. On le prend en effet ici à un moment difficile de sa vie : sa femme est lassée de son manque d'entrain et menace de le quitter, son magasin de fringues prend l'eau de toute part, sa collègue exige une somme rondelette pour son licenciement, ses amis ne semblent pas voir sa détresse. Alors il assassine une chauffeuse de taxi choisie au hasard, dans une séquence très distancée qui évoque, comme d'habitude, Haneke.

lashorasdeldia003

Ce qui gène un peu là-dedans, c'est que le fond du film, son "discours" si on peut dire, est un peu court. Si tout ne consiste qu'à dire que la monstruosité se cache sous l'apparence la plus banale, que les existences les plus ternes peuvent cacher des pulsions horribles, on se dit qu'on n'a pas attendu ce film pour le savoir, et que tout ça ne nécessitait peut-être pas 90 minutes. Rosales n'ajoute rien à ce portrait d'un homme déviant caché à l'intérieur d'un être banal, et les acteurs, pas mal du tout pourtant, sont dirigés vers le plus de réalisme possible, ce qui plonge dans une morne et dubitative attente. Rosales regarde ses personnages depuis l'extérieur de l'aquarium, on connaît le truc, mais ne tire pas grand chose de ce qu'il observe. Mais dans la mise en scène, le film est souvent brillant ; notamment dans le second meurtre, un très long plan-séquence qui met en valeur l'incroyable difficulté qu'il y a à occire quelqu'un : une lutte infernale, faite de souffles et de cris étouffés, filmée à quelques mètres de distance, c'est impressionnant. Même dans les scènes plus tranquilles, Rosales se montre très habile : dans les dialogues avec l'employée par exemple, où le rythme de chaque plan est pesé et presque en porte-à-faux, induisant un malaise presque aussi grand que quand la violence explose. Bon, c'est prometteur, c'est prometteur, mais on est encore loin du splendide La Soledad à mon avis.

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