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24 novembre 2020

LIVRE : Le Coût de la Vie (The Cost of Living) de Deborah Levy - 2018

Le-cou-t-de-la-vie-de-Deborah-Levy-E-ditions-du-Sous-solDeuxième tome de l'autobiographie de l'impertinente et attachante Deborah Levy, après Ce que je ne veux pas savoir, cet opus est beaucoup plus réussi que le premier (qui était déjà, cela dit, intéressant). Levy trouve une nouvelle forme pour nous raconter ses petites réflexions émaillées de souvenirs brodés de fines observations, et on y gagne indéniablement en dynamisme. Oublié le montage un peu savant de jadis : Le Coût de la Vie est une sorte de journal qui semble écrit au jour le jour, et si elle continue de rassembler ses pensés en une sorte de construction plus ou moins homogène, on apprécie ce côté plus relâché. Tout part d'une scène un peu fantasmée, un peu réelle, observée dans un café : un quinquagénaire discute avec une très jeune fille, squatte la parole, et dès que cette dernière veut elle aussi parler d'une aventure personnelle la concernant, le gars s'agace et lui reproche sa bavardise. Une manière de pointer du doigt la domination masculine, sujet éternel qui filera tout au long du livre ; et une manière aussi d'ouvrir sur un joli thème, celui des personnages principaux ou secondaires d'une vie (le gars, en méprisant la parole de la jeune fille, la fait passer au rang de personnage secondaire, alors que lui ne doute pas qu'il en est un principal).

La porte est ouverte aux souvenirs et aux réflexions de Levy, qui se met aussitôt à nous proposer une myriade de minuscules choses qui ont marqué sa vie, des plus importantes (les derniers jours de sa mère) aux plus banales (le poêle dans le cabanon où elle s'est installée pour écrire). Ce n'est pas trop les anecdotes qui sont intéressantes en elles-mêmes ; c'est plutôt le ton, et le regard original que l'auteur pose sur elles. Toujours dans un esprit féministe hérité de son héroïne Simone de Beauvoir, mais en y mêlant une sorte de dilettantisme très agréable, elle décrit son quotidien à Londres en tant qu'écrivaine exilée volontaire, en tant que femme libre, en tant que petite chroniqueuse des aléas de la vie. Prenant toujours l'écriture avec respect et presque dans un sacerdoce d'écrivain (dernière phrase : "L'écrit que vous lisez à présent, c'est le coût de la vie"), elle raconte avec une jolie acuité les mille faits de sa vie, et son écriture, savante et fluide à la fois, s'avère très pertinente pour nous faire éprouver concrètement la mélancolie et les joliesses de l'existence : place difficile à conquérir de la femme au foyer, lectures, amitiés (notamment avec un joli personnage : "l'homme qui a pleuré à un enterrement"), promenades londoniennes, tout ne décrit qu'une seule chose : l'auteur en train d'écrire. Léger et intelligent, un petit livre finalement assez joyeux malgré sa tristesse sous-jacente, gentiment féministe sans en faire trop, moderne comme l'a été Beauvoir en son temps, personnel et très attachant.

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