Psychomagie, un Art pour guérir (Psychomagic : A Healing Art) (2019) de Alejandro Jodorowsky
On savait que les films de Jodorowsky était barrés, on pouvait aisément se douter que l'homme le fut tout autant. Jodorowsky, comme mon père (dont Gols a pu percevoir les effets magiques...), est un guérisseur. Un guérisseur, non pas avec des mots, mais avec des actes, des massages, des trucs d'homme (tu bégaies : il te saisit par les couilles et tu redeviens un homme, mon fils, fluide). L’autre prérequis à la vision à la chose, c'est que le ridicule ne tue point, non plus, tout devant être considéré comme « recevable » dès lors qu'il s'agit de soigner l'âme humaine... Si vous acceptez le concept, vous tiendrez au-delà de 30 minutes, sinon, c'est vrai que vous pourrez lâcher l'affaire en vous gaussant et vous n'aurez pas forcément tort (autant garder en tête l'image d'un Jodorowsky cinéaste d'avant-garde éclairé que celle d'un dangereux charlatan). On ne sait trop comment il dégotte ses proies, si ce n'est qu'à Paris les gens ont l'air d'aller plutôt pas bien... Jodorowsky nous trouve une poignée de gens pas bien dans leur tête et les guérit, oui monsieur, avec sa méthode, qu’on qualifiera de « physique ». Tu ne t'entends pas bien avec tes parents : tu vas te mettre à poil et re-simuler ton accouchement (on te prête des parents, si tu veux, pour "l'acte") ; sinon, tu as aussi la possibilité d'éclater des citrouilles avec une masse après avoir soigneusement mis la photo de tes proches dessus - perso, j'aurais pris cette option, définitivement défoulante, quoique destructrice de beaux légumes. Tu as des problèmes avec tes règles : peins ton portrait avec ton sang (là je pense que j'ai regardé les nouveaux messages sur mon portable, parce que bon, hein...) ; tu as des problèmes de couple, attache-toi cette chaine au pied, marche en pleine ville (discret), et enterre la chaîne : tu pourras dès lors quitter ton partenaire serein (je me moque mais cela coûte moins cher qu'un divorce, cela dit) ; tu es dépressive, tu as 88 ans, tu trouves que ces connards de migrants devraient rester chez eux (tu perds un peu la boule, aussi, Josette), va arroser un arbre au jardin des plantes et rassure-toi en te disant que tu vas bientôt rejoindre ces racines ; ton fiancé s'est suicidé en se défenestrant la veille du mariage : va faire du parachute (je l'avais, celle-là !), ça va te libérer... Ah oui, c'est tout à l'avenant et le pire, c'est que les gens sont persuadés que ça fonctionne (en tout cas, c'est ce qu'ils avouent devant le cinéaste dont le sourire fait tout de même relativement peur... ils doivent aussi craindre que l'autre leur propose des "mises en scène" encore plus dégradantes, c'est fort possible...). On regarde la chose de façon extrêmement dubitative (cette cancéreuse qui monte sur scène et "reçoit la force du public qui tend ses bras en sa direction" - Professeur Raoult, un commentaire peut-être ?), tout étonné de voir que même un gars comme Arthur H. se prête au jeu : il endosse un costume de mousquetaire ridicule mais il nous livre au moins une petite chanson qui fait chaud au cœur - c'est toujours cela de pris... Bref, si vous voulez vous persuader que l'humanité traverse une sale période et qu'il existe dorénavant des méthodes de guérison après lesquelles vous nous pourrez pas tomber plus bas (il y a vraiment un nerf entre les couilles et les cordes vocales ?), cette œuvre relativement allumée est pour vous (elle vous donnera peut-être même des idées : ne vous filmez pas, c'est tout ce que je vous demande). Sinon, ouais, revoyez les ovnis passés de Jodorowsky, vous ne comprendrez pas tout, mais vous prendrez au moins une leçon d'esthétique troublante. Voilà, cher commentateur avisé, j'ai rempli ma mission chroniquaire. Si vous n'êtes pas satisfait, je ne vous promets pas de me mettre des plumes (ou mon clavier, plus redoutable) dans le cul pour expier. Non. Restons digne.