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9 novembre 2020

Le Camion de Marguerite Duras - 1977

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Rien de tel quand vous avez un petit coup de mou que de vous taper un film de Duras. C'est tellement improbable, tellement auto-satisfait, tellement snob, que vous en tirerez sûrement quelques bonnes tranches de rigolade à défaut d'autre chose. Le Camion est peut-être l'archétype ultime de ce que l'infernale cinéaste est capable de faire : un dialogue tout cru entre elle et Depardieu (surtout elle, d'ailleurs), autour d'un scénario vague, vestige d'un film pas fait ou à faire. La dame, engoncée dans son pull à col roulé, lit à l'acteur des pages de son scénario, le bougre la relançant de temps en temps. Distanciation supplémentaire : ce dialogue lui-même est lu, ce qui ajoute une couche à la mise à plat des mots et des émotions. Il serait question dans ce fameux film d'un camionneur qui prendrait en stop une dame. Celle-ci se mettrait à parler, parler, parler, pendant que le camion traverserait des paysages des Yvelines. On tremblerait d'extase de voir ce film réalisé (peut-être par Jean-Marie Poiré), mais pour l'instant on n'a pour se l'imaginer que ces mots et quelques plans d'un camion bleu roulant sur des routes un peu anonymes tout le long du film. Bon.

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Je l'avoue : ce n'est pas inintéressant. Pour peu que vous acceptiez de rentrer dans cette poésie bizarre, sophistiquée, marque très personnelle de Duras, vous pourriez même apprécier cet exercice de style barré et exigeant, et écouter avec plaisir les formules et les audaces de l'écrivaine. Le style durassien joue ici en plein, avec ses répétitions, ses sentences toutes faites, ses doutes et ses hésitations notés tels quels, ses immenses trous et ses révélations soudaines. La force de Duras dans Le Camion, c'est la grande présence, très intense, de ses deux interprètes : Depardieu, tout en douceur, en écoute, loin de jouer les simples faire-valoir, interprète à notre place le spectateur et son pouvoir d'imagination ; Duras excelle à faire rouler ses propres mots, et touche parfois du doigt une vérité toute bête contenue dans son scénario : la cabine du camion comme cabine de projection de cinéma, les deux passagers comme témoins du monde tel qu'il est projeté sur le pare-brise, la quête métaphysique de ces deux humains séparés du monde qu'ils traversent pourtant physiquement. De temps en temps, par des mots simples, Duras parvient à évoquer ça, et on se dit que ce film aurait pu être fascinant de ce côté-là. Le choix de ce dispositif rigoriste de lecture à la table donne au projet un côté concentré qui colle bien avec cette idée d'espace clos, et les pièces que filme Duras (vers de plus en plus d'épure m'a-t-il semblé, d'un grand salon à une table toute simple dans une chambrette) sont finalement à l'image de la cabine du camion. Ce qui "reste" du film, ces plans extérieurs, est parfois assez beau aussi, surtout accompagné par ces variations de Beethoven qui reviennent sans cesse. Bref, le film, de temps en temps, parvient à son but, et captive suffisamment pour qu'on aille jusqu'au bout des 80 minutes. Le reste du temps, qu'est-ce que vous voulez, c'est du Duras : immondement content de soi, littéraire comme c'est pas permis, complexe pour le plaisir de l'être, et somme toute un poil ringard. A vous de voir...

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Commentaires
M
Lors de mon cursus estudiantin, j'adorais m'installer commodément dans une salle de cinoche devant un film de Duras. Je pouvais récupérer de mes folles nuits, roupiller... Plop ! j'ouvrais un oeil sur une image, un dialogue... puis je re-sombrais dans le sommeil... et plop ! quinze minutes plus tard... mon oeil se rouvrait sur la même image à peine modifiée, j'entendais le même dialogue à peine décalé... Rien ne semblait avoir bougé. Litanies et chuchotements... Pas de pétarade... Pas besoin de chercher à comprendre, on s'en fout... Dieu, que c' était confortable ! <br /> <br /> Le Camion fut un de ces délices narcotiques.
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