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2 novembre 2020

LIVRE : Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo - 2020

thesee-scaledLe jury du Goncourt a dû bien s'ennuyer cette année à lire les pensums de la rentrée. Tous les livres valables ont été évincés, et il ne leur reste à manger que des bouquins empesés, poussiéreux et chiants, comme ce Thésée, sa vie nouvelle. Attention, messieurs-dames : on est là dans la grande littérature, celle qui se mouche dans son coude et traite la langue française en orfèvre. On ne peut pas reprocher à Camille de Toledo de ne pas savoir écrire, au contraire : il a dû récupérer toutes les bonnes notes en français au lycée, et le compère connaît la valeur du mot, de la formule, de la construction de récit. Il met ce talent au service d'une auto-fiction très à la mode en ce moment : le livre raconte le chagrin de Thésée, qui coup sur coup, en quelques mois, perd son frère aîné suicidé, et ses deux parents. Voulant fuir ses souvenirs et cette sorte de malédiction, il part pour l'Est, emportant avec lui sa peine et des cartons de photos et de textes, dont un petit journal intime écrit par son aïeul, et dans lequel il va trouver de curieuses résonnances avec son cas. A quelques générations d'écart, avec une correspondance de dates troublante, l'homme a perdu son fils avant de lui-même terminer tristement une courte existence. C'est donc le point de départ de cette sorte de long poème, "kaddish", comme il dit, pour tous ces morts qui le harcèlent. De Toledo revient sans cesse sur ses traces, fabriquant un texte qui tourne en rond sur lui-même comme une obsession jamais résolue autour de quelques faits, cherchant vainement dans ces archives de quoi se consoler.

On attaque la chose bille en tête, guère passioné mais en tout cas bienveillant avec la première partie, qui retrace les émotions de son grand-père quant à la perte de son fils et la quête pathétique de fuite de l'auteur. Les mouvements du train, c'est classique, épouse ceux des réflexions de Thésée, dans une jolie construction en allers-retours et une prose un peu académique mais jolie : le texte est disposé dans la page comme de la poésie en prose, les italiques sont légion, les photos ponctuent à bon escient le flot de mots, le rythme induit par tout ça est agréable et intériorisé, c'est du beau travail. Mais ensuite, le texte ne cesse de refaire le même coup, sans plus du tout avancer (comme un train dans la nuit, en queqlue sorte), en piétinant sur place. Si bien qu'à force, on se met à fatiguer devant les plaintes du sieur et sa philosophie un peu trop nombriliste. Au bout de la moitié de la lecture, le bousin tombe des mains, incapable de se renouveler, de sortir du cercle des gros chagrins de son auteur, certainement sincères mais peu passionnants pour qui ne les vit pas. Les pages de biographie des parents, du frère, des aïeux, pourraient à la rigueur être intéressants, mais elles sont noyés sous les jérémiades de Thésée, d'autant plus plombantes qu'elles se répètent sans arrêt. La langue est étudiée, mais souvent comme un élève en latin, appliquée et vieillotte, et on a souvent envie que l'incarnation ait lieu, que de Toledo insuffle là-dedans un peu de vie, un peu de muscles, sorte de son cerveau et ouvre les yeux sur le monde. Mais on reste au niveau de la littérature, l'ennui (profond) nous gagne et on termine avec l'envie folle de lire un Hemingway ou un Giono pour retrouver un peu d'ancrage dans le réel. Un bouquin honorable, mais chiant comme la pluie.

Commentaires
P
Déjà, ce titre...<br /> <br /> Et pis, franchement, qui c'est qui s'appelle encore Thésée?
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