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29 octobre 2020

LIVRE : Les Démons de Simon Liberati - 2020

9782234080409,0-6800021Liberati a indéniablement des talents de conteur pour nous faire revivre toute une époque. Même si notre gars ne peut s'empêcher de céder au name dropping (d'Aragon à Capote en passant par Bardot, Warhol, Nico, James Brown...), on a résolument l'impression de replonger dans ce petit monde de jet-setters, d'artistes, de célébrités qui animait la fin des années 60. Il nous fait suivre en particulier le destin des enfants de la famille Tcherepakine : Serge, l'ainé, au destin tragique, Nathalie, la blonde diaphane, faisant accessoirement l'amour avec son frère, lesbienne, droguée jusqu'à la racine des cils, et le petit dernier Alexis, ado homo passant de lit en lit avec une certaine effronterie. Ce trio, rapidement duo à la suite d'un tragique accident de voiture, va côtoyer la crème de cette société des sixties, des écrivains, des cinéastes, des "espions businessmen", semblant passer d'un univers à l'autre avec une certaine facilité, comme des personnages de roman qui sauteraient d'un roman à l'autre, d’un univers à l’autre. Il sera en particulier question de l'influent – et forcément politisé - Aragon accompagné d'Elsa, du perfide Capote en crise d'inspiration ou encore du couple qui s'est lui-même auto-fictionné dans Emmanuelle - tout un programme, oui. On passe de Paris à Bangkok en passant par Rome ou Cannes en un tour de main (le temps de tourner une page, quoi), les derniers descendants des Tcherepakine aimant à vivoter, à flirter, à butiner en allant de groupe en groupe, en apportant eux-mêmes leur petite dose d'exotisme, d'érotisme et d'égotisme.

Il est question du monde nébuleux des drogues (de l'opium, en particulier : on savait encore à l'époque se droguer avec un certain raffinement vintage), d'érotisme (Bangkok, lieu privilégié de partouzes en tout "genre") et surtout des affres de la création. Nathalie comme Alexis, à défaut d'écrire, de produire des objets d'art, aime à jouer le rôle d'intermédiaire entre les milieux (artistiques et influents) voire celui de pygmalion – faisant de leur propre vie des objets d’art, pour parodier l’autre. Il faut bien avouer que cette blonde Nathalie semble traîner sa mélancolie et son oisiveté comme d'autre l'autre pierre, ce qui ne l'empêche point de discutailler aussi bien avec des grands noms de ce temps qu’avec de sombres cons, de simples fumistes. Alexis, lui, sans plus de morale, s'offre à loisir aux hommes qui lorgnent sur lui – jusqu’à la lie... Deux petits papillons qui vivotent en un temps "d'insouciance" (pour leur petit monde de privilégiés), même quand la guerre (celle du Vietnam) est à leur porte (Nathalie in Thaïlande). Liberati a le sens du détail (sa description de la demeure des Tcherepakine en ouverture du roman ou du Bangkok des sixties), des dialogues (toujours vivants, ne sentant point le factice), des rebondissements, excellant dans les passages oniriques (Nathalie baisant en flottant entre deux nuages d'opium) ou dans ceux dépeignant l'égocentrisme de ces individualistes forcenés, hommes de pouvoir ou créateurs. Un roman joliment mené, mêlant finement de très diverses références littéraires, vivant, qui s'immisce dans les fêlures de certains esprits et surtout dans celles d'un temps où la liberté (de créer comme de baiser) et l'insouciance faisaient figure de raisons de vivre. L'enfer, quoi... 

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