Jericho (1937) de Thornton Freeland
Si vous aimez Paul Robeson, l'aventure et surtout les chameaux, vous serez comblé avec cette réalisation qui fait la part belle au désert. Avouons que Freeland ne mégote pas au niveau de l'action puisqu'on a dans Jericho rien de moins qu’un mix entre Titanic, La Grande Evasion et Lawrence d'Arabie - mais je m'emballe un peu. Ce film est au départ, disons-le tout de même, tout à la gloire de l'homme à la voix de basse, au baryton, au caverneux Paul Robeson qui brille par son chant comme par ses exploits : il sauve des marins de la noyade (et se voit bêtement condamner pour avoir désobéi aux ordres et tué accessoirement son supérieur en l'envoyant paître), s'échappe de la garnison militaire en se faisant passer pour un soldat francophone (Robeson chante Auprès de ma Blonde presque sans accent, putain quel homme complet !...), traverse la méditerranée sur un bateau à voile et devient le roi du désert en soignant un chef arabe et en solidarisant les troupes. Robeson, le héros black plus fort qu'un roc, l'homme indestructible à la voix qui fend les pierres.
Alors bon, je n'irai pas jusqu'à dire que tous les blacks sont sur un pied d'égalité (si certains excellent à faire leur petit numéro de claquettes, d'autres sont mis en scène de façon comico-pathétique un peu gênante... on ne va pas refaire l'époque non plus, malheureusement) mais Robeson tient quand même le haut du pavée dans cette production qui ne lésine pas en figurants : toute la partie où Robeson s'engage à la tête de la caravane lors de la fameuse route du sel (il y a plus de chameaux que de nouveaux cas de Covid quotidiens actuellement) et organise une splendide défense face aux bandits (chameaux positionnés en cercle, homme enfouis sous le sable !) demeure assez impressionnant. Bref, ce méconnu Jericho vaut le détour à la fois pour cette figure à la voix de stentor (qui se lance dans un chant en haut d'une dune qui fracasserait les oreilles de Céline Dion, si seulement) et au physique toujours aussi imposant (une claque de Robeson dans ta gueule a le même effet qu'un club de golf tapant une balle) mais également pour ces quelques morceaux quasi-documentaires de vision du désert (on reste un peu sur la retenue pour les numéros musicaux). On ne s'embellera toutefois pas plus que cela devant cette œuvre qui, malgré deux petites séquences d'action bien menées, ne possède pas non plus un rythme ultra trépidant ; d'ailleurs Robeson, en dehors de sa bravoure face aux bandits, rentre également vite dans le moule avec femme et enfant ; quant au léger suspense sur la fin (son ancien chef de l'armée remettra-t-il la main sur lui ?), il tourne court. Belle nouvelle pierre dans la filmo du héros Robeson dans un film d'aventures bourré à ras bord de bêtes à bosse(s). Bah, toujours un peu de dépaysement de pris à défaut d’un film vintage inoubliable.