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18 octobre 2020

Isabella de Matías Piñeiro - 2020

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L'impression de tomber dans l'univers de Lewis Carroll avec ce film kaleidoscopique, ou en tout cas dans une de ces expérimentations cérébrales à la Rivette, tant Piñeiro cultive une étrangeté, un décalage, et finalement une personnalité très forts. On est d'entrée de jeu assez perdu dans les méandres de ce scénario bizarre, et il faut accepter de lâcher prise, de ne pas forcement tout comprendre, pour apprécier à sa juste valeur ce style et ces inspirations barrées. Piñeiro a démarré il y a quelques temps une série sur les comédies de Shakespeare, et si on aura du mal à en reconnaître les épisodes, celui-ci est adapté de Mesure pour Mesure (pièce méconnue qui a mes faveurs, je dois le dire). Soit donc une comédienne qui passe une audition pour la pièce. Mais le rôle ne cesse de lui échapper pour maintes raisons : on lui préfère une autre actrice, elle est trop prise par la mise en scène d'une autre pièce, elle est enceinte, elle ne peut pas apprendre le texte, etc. Cette expérience nous est racontée dans un désordre soigneusement pensé, où la chronologie et les personages valsent sans arrêt : on peut être pendant une séquence dans le réalisme le plus rohmérien (les belles scènes champêtres), puis passer sans transition dans la forme la plus sophistiquée qui soit (les expériences sur la couleur avec ces cadres abstraits et changeants), puis dans des scènes à la lisière du fantastique (l'audition étrange qui se passse devant un miroir sans tain où l'actrice se voit elle-même), puis dans la pure expérimentation cinématographique (certaines séquences sont reprises plusieurs fois avec de légers changements). Tout ça pour dessiner au final le portrait d'une femme en plein doute, avide de succès mais ne voulant pas vendre son âme pour autant, fragile et assez beau, d'autant qu'elle est portée par une comédienne vraiment parfaite (Maria Villar).

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Dire que ça passe comme une lettre à la poste serait mentir. On s'ennuie souvent devant ces élucubrations parfois trop abstraites ou trop cérébrales, et on préférerait parfois que le film soit plus explicite, moins ineffable, moins "petit malin". Le côté éclaté du scénario, ajouté à cette mise en scène étrange, qui repose sur un faux rythme, parfois rapide parfois lent, échoue à vraiment nous captiver et dévoiler ses intentions. On a l'impression d'un travail d'élève des Beaux-Arts, qui veut faire le plus compliqué possible pour faire croire à son intelligence, mais qui, dans le fond, a un univers assez simple. Par exemple, la première séquence (répétée à l'envi par la suite) nous dévoile un cinéaste finalement assez sentimental ; mais la suite du film semble vouloir absolument démentir cette impression. Matías Piñeiro a peut-être la tête un peu grosse pour parvenir à réaliser à la fois un film très intello et un léger poème sensible, à la fois des cadres hyper mathématiques sur des formes cinétiques et géométriques et de jolies scènes avec des pierres qu'on s'échange ou des dialogues légers. Mais malgré tout, on apprécie ce film étrange, qui refuse la linéarité pour nous faire découvrir une femme "verticalement" plutôt que chronologiquement. Certaines scènes ont vraiment du chien, comme les scènes d'audition ou ces très beaux plans bressionniens sur les mains, et on se laisse happer par un style original et intrigant. On décroche souvent, mais on est au détour d'une scène, d'un plan, à nouveau happé dans cet univers personnel et sensible. Un puzzle, quoi, qu'on renonce assez vite à vouloir terminer, mais qui dévoile son jeu intelligemment. Pas mal...

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