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18 octobre 2020

Jour de Colère (Vredens dag) (1943) de Carl Theodor Dreyer

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On est dans l'école de la rigueur formelle pure et dure, avec ce cher Dreyer, et dans un monde qu'on pourrait aisément qualifier de rigoriste : un XVIIème siècle où il semble que l'on fasse autant la chasse aux sorcières qu'au plaisir. Dans la première partie, on retrouve un petit air de Jeanne d'Arc avec cette sorcière recherchée pour faire deux trois décoctions à base de plantes, condamnée pour avoir reconnu son accointance avec le diable au bout d'une séquence de torture où tu serais prêt à reconnaître que Darmanin n'est pas un mauvais bougre, et brûlée dans les règles de d'art ; dans la seconde on se focalise sur le destin de Anne, mariée à un vieux révérend aussi gai qu'un pinson mort, surveillée par une belle-mère aussi jouasse qu'une porte de prison et amoureuse, dès le retour de ses études, du jeune fils du révérend, Martin. Les deux jeunes gens ne tardent pas à se tourner autour et à cultiver leur amour dans les blés. Il n'y a aucun doute que cet éveil aux désirs, que cet éveil à l'amour d'Anne tranche avec l'atmosphère plombée de sa cahute... La seule question qu'on se pose, en fait, c'est combien de temps cette idylle pourra-t-elle durer ? Il n'y a aucun doute sur le fait que dans cet univers morbide la joie d’Anne soit de courte durée.

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Ecole de la rigueur et école de l'éclairage avec cette œuvre où l'on sent un Dreyer qui éclaire, en particulier, méticuleusement le visage de son héroïne. Qu'il se retrouve dans le clair-obscur de la casa où il faut vivre son plaisir de façon muette, au mieux à demi-mot, en cachette, ou dans les extérieurs où le visage d'Anne irradie au soleil, ce visage reflète à la perfection les quelques moments de grâce que l'héroïne va pouvoir tirer de ces temps sombres, de cette tristesse mortelle. Si sa belle-mère pourrait personnifier le mal absolu qu'il y a dans chaque belle-mère (la grand-mère, un trou noir de l'humour, un tsunami de mépris), on ne peut pas dire que son mari, pourtant beaucoup plus bienveillant, fasse régner dans la casa une atmosphère de fête. Lors de montages alternés on voit la joyeuse Anne gambader avec le Martin dans les près ou se laisser aller avec lui au fil de l'eau dans une barque, alors que les plans sur son mari, assis en état d'hébétude chez lui et au chevet d'un mort, tranchent sa mère... Oui, Anne, heureusement, pour un temps, se crée son petit morceau de paradis en batifolant avec le gars Martin tout content de trouver une partenaire qui s'offre à lui... Anne est surement consciente que ce bonheur est voué à l'échec mais comme jusque-là sa vie n'a été que frustration et ambiance mortifère, elle aurait bien tort de ne pas en profiter. Lorsque son mari tarde à revenir de chez l'un de ses collègues qui se meurt, il faut la voir predre par la main le gars Martin et lui servir son regard de feu : une séquence d'un érotisme brut dans un monde d'amish... Mais rapidement, celle dont la mère fut accusée d'être une sorcière par le passé et qui a échappé de peu au bûcher, va sentir souffler le vent de la mort autour d'elle... A la mort de son mari, ses amours avec Martin se transforment en l'ombre d'elles-mêmes (sublimes scène dans la brume, tout en ombres chinoises) et la pauvrette glisse sur la pente du cauchemar - on sait que sa belle-mère devrait profiter de la moindre des circonstances pour punir cette femme qui lui a volé son fils... Fi de la fin, Dreyer nous a de toute façon déjà fait sentir que ce paradis, surement voué à être perdu, Anne a pu au moins en bénéficier le temps d'un songe. Un jour de colère qui frappe fort mais qui rend grâce, avec cette beauté indéniable des jeux de lumière, aux instants d'amour volés. Un Dreyer lumineux en des temps si obscurs.

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