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13 octobre 2020

La Parole (Ordet) (1955) de Carl Theodor Dreyer

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Cette œuvre est sans doute celle, avec Les Onze Fioretti de François d'Assise de l'ami Rossellini, qui me rapproche le plus de la foi... Et Dieu sait qu'il y a du travail à faire sur ce chemin. Mais Dreyer, que voulez-vous, Dreyer, dry comme un coup de trique, nous prend main dans la main sur la voie de l'acceptation de l’existence de quelque chose de sacré, de supérieur – pour peu qu’on y croit. Dès les premières images, en extérieur (ce linge ultra blanc qui se découpe sur le ciel, j'en ai encore des frissons) comme en intérieur (on est dans l'épure et dur : une table, un meuble, une horloge), on plonge dans la simplicité archaïque, dans le calme absolu, dans le zen parfait. Et puis il y a ces acteurs, à la voix posée, aussi claire qu'un nouveau 33 tours, sereine, qui viennent posément discuter. Le père, bougon mais pas si mauvais bougre, l'ainé, faithless, sa femme gentille et enceinte du troisième, le benjamin, un peu fébrile mais gentil comme une botte de foin, et puis Johannes, l'allumé de la famille, le nouveau messie, celui dont la voix lente, articulée, met les points sur les i et les barres sur les croix : point de miracle sans la foi, un point c'est tout, tout le monde le croit fou, il est le seul de bonne foi.

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Alors oui, on pourrait oser la lecture mystique, analyser la parabole religieuse de cette simple histoire. On pourrait. Ou bien simplement y voir un des plus beaux récits sur l'innocence, sur l'amour, sur le fait d'aller jusqu'au bout du bout de sa foi justement. Dieu vomit les tièdes (l'ainé, qui croit en Dieu comme moi en un avenir radieux, ce pasteur pasteurisé, demi-sel), méprise les batailles de clocher (les deux pater familias - le père Borgen et le père Petersen qui défendent leur chapelle) et récompense les innocents - le benjamin de la famille comme la fille de l'ainé verront leur vœu le plus cher réalisé. La fin est extatique, coupe le souffle, laisse sans voix, ferait presque perler une larme de joie. Bien. Mais il y a aussi et surtout, tout du long, cette mise en scène au millimètre d'un Dreyer qui contrôle chaque micro-mouvement de sa caméra. Pour peu que l'on jette un petit œil sur les mouvements de caméra, ces panoramiques comme ces travellings latéraux, le type nous ravit par sa gestion de l'espace, de son décor, les mouvements de la caméra semblant coordonner par avance à chaque fait et geste des acteurs, avec une précision et une justesse de maestro. On navigue dans ces extérieurs comme dans cet intérieur avec une véritable grâce. Et puis il y a ces couleurs, que dis-je, ces nuances de gris ultra contrastées, qui donnent à ce film quelque chose d'intemporel : l'image est juste parfaite, sublime. Du coup, même si le rythme est lent, on boit chaque parole comme du petit lait en attendant cette révélation finale que l'on connaît par cœur mais qui nous cueille chaque fois comme un fruit à pain trop mur. Alleluia, Dreyer m'a définitivement donné la foi, parole de cinéphile averti.

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