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11 octobre 2020

Lucía (1968) de Humberto Solás

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Trois portraits de femmes, là encore, mais heureusement beaucoup plus réussis que dans cet ouvrage précédemment chroniqué ; Solás varie les périodes (fin du XIXème : guerre de l'indépendance conte l'Espagne, les années 30 et la guérilla contre le pouvoir en place, les années 60 et le programme d'alphabétisation dans les campagnes) mais garde une certaine constante avec ces trois héroïnes toutes prénommées Lucia (trois femmes permettant des coups de projecteurs sur ces morceaux d’Histoire) : à chaque fois, nous assistons à des amours enfiévrées, des passions interdites ou explosives, qui se finissent de façon tragique ou qui colportent leur lot de désir et de violence. Des femmes qui luttent, dans des moments historiques de lutte, avec en background quelques aspects spécifiques de la vie cubaine, de la fabrication des cigares à la récolte de sel... Le premier épisode est sans doute le plus fougueux avec cette femme qui tombe amoureuse d'un homme marié, une femme qui se voit projetée dans les règlements de compte entre cubains et espagnols : un amour passionnel, clandestin, sanguin, dans la tourmente... La seconde histoire n'est pas moins agitée avec cette femme et sa gentillette coupe au carré qui s'amourache d'un gazier qui n'est jamais le dernier à jouer de la mitraillette contre les autorités. Un amour "en lutte" (finale) et une chute pour le moins fatale ; un épisode célébrant une ère de trouble où l'amour peut se vivre sauvagement entre deux actions radicales, meurtrières. Le dernier épisode peut paraître, au regard des deux autres, un peu moins engagé puisqu'il s'agit là avant tout d'une histoire de jalousie ; un jeune couple, dans ce Cuba post-révolutionnaire où hommes et femmes mettent ensemble la main à la pâte, et un mari pour le moins possessif : jaloux comme une teigne, il enferme sa femme entre quatre murs et l'empêche d'aller travailler ; la venue d'un jeune prof d'alphabétisation dans leur demeure va mettre le feu aux poudres : portant la jalousie de l'homme à son incandescence et la résistance de Lucia, troisième du nom, à son maximum - est-ce que son désir d'émancipation sera plus fort que l'amour pour cet homme ? Une sorte de combat ultime en un sens...

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S'il y a des points communs entre ces trois récits au niveau du fond, il y en a aussi au niveau de la forme : on sent que Solás, dès que l'envie se fait sentir, aime à coller sa caméra au plus près des protagonistes, à mettre le caméraman au centre de la tourmente : qu'il s'agisse de filmer une folle ou des combats à cheval, de montrer une femme jouant à colin-maillard avec ses amies (l'amour est aveugle et éventuellement dangereux) et des hommes s'entretuant dans un théâtre, d'illustrer la passion amoureuse et les crises de jalousie en chambre, le cinéaste nous place au cœur de l'action, désireux semble-t-il de nous faire ressentir toute la puissance de l'instant, dans les actes comme dans les sentiments, dans la barbarie comme dans le désir... Ces divers moments où l'action s'accélère, où les corps se révoltent ou s'aiment, sont une sorte de leitmotiv dans ces trois portraits de femmes fortes, toujours prêtes à assumer leur amour comme à faire leur part de travail dans cette société cubaine en plein bouleversement. Le film est dense, un peu décousu aussi parfois (on perd un peu en cours de route le focus sur ces femmes, comme si Solás se laissait parfois un peu trop prendre au jeu des circonstances historiques en oubliant son point d'ancrage principal), et propose quelques jolis morceaux de bravoure mis en scène de façon échevelée. Belle découverte, une nouvelle fois, que cette œuvre d’outre-Atlantique, une œuvre exhumée des trésors du grand manitou Scorsese qui aime à se poser (et il fait bien) en protecteur des cinémas du monde.

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