LIVRE : Un Crime sans Importance de Irène Frain - 2020

Je ne pensais pas être amené un jour à lire du Irène Frain. Il y a comme cela des auteurs qui, sans qu'on les connaisse vraiment d'ailleurs, ont une image plutôt fade... On entre dans ce récit par effraction, tout comme la personne qui a cambriolé et massacré cette pauvre vieille dans sa petite maison de banlieue... On se demande un peu en quoi cela nous concerne et on s'enlise un peu dans ses cinquante premières pages à l'image finalement de cette enquête de police qui semble n'intéresser personne... Puis Irène Frain fait son entrée sur scène, avoue de but en blanc que c'est sa sœur-même qui s'est fait assassiner et va tenter de mettre en branle autant la justice que ses souvenirs. Le récit prend un peu plus d'ampleur tant l'on sent une véritable sincérité chez l'Irène à la fois pour faire revivre cette sœur surdouée puis diagnostiquée bipolaire (une maladie décidément à la mode) et pour faire toute la lumière sur cette mort ; les flics, la justice (ce "mastodonte") ne semblent pas faire preuve d'un immense zèle pour résoudre cette énigme glauque ; Frain engage un avocat pour être au plus proche de l'évolution du dossier mais au bout d'un an un constat s'impose : rien n'a avancé. L'Irène, qui nous a rendu cette victime finalement assez proche, va elle-même finir par mener sa micro enquête, comme par devoir de mémoire pour cette pauvre vieille personne dont nos rigoureux fonctionnaires semblent royalement se foutre. Même s'il y a un petit sentiment d'acrimonie envers ces enquêteurs si lents, cette justice si lourde, Frain ne lâche jamais les chevaux pour en faire un bouquin à charge, uniquement dédié à ce dégout qu'on peut ressentir devant ses institutions dès lors qu’on doit soudainement compter sur elles. Il y a chez l'Irène un processus éminemment sain à vouloir rendre hommage à cette aînée qui l'a tant inspiré, à cette grande sœur qui a tout fait pour s'extraire de ce ménage modeste, à cette personne qu'elle avait fini par perdre de vue... à cause de sa maladie, des recommandations des médecins, de cette famille (notamment sa mère) un peu "toxique". C'est une histoire qui pouvait aisément tomber dans la complainte, dans le règlement de compte à tout va, dans l'auto-flagellation, aussi, mais qui demeure digne et intelligemment mené jusqu'au bout (on évite bienheureusement le coup de théâtre final... peut-être dans la suite ? Allons, on se calme). A lire donc sans frein et sans a-priori : un témoignage qui rend une fois de plus un peu d'humanité à une ombre négligée par nos chères institutions dans sa vie comme dans sa mort.