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5 octobre 2020

The Art of Filmmaking + Lux aeterna (2020) de Gaspar Noé

Une petite mise en bouche du meilleur effet (mais déglinguant les yeux) avec ce court The Art of Filmmaking où Noé s'amuse à reprendre un film de Cecil B. DeMille (Le Roi des Rois) en lui injectant des effets stroboscopiques. Une crucifixion du Christ en mode hallucinatoire avec des images en noir et blanc qui se teintent progressivement de couleur et un écran qui change progressivement de dimension. Sur petit écran, il est clair que l'on se sent forcément un peu moins agressé... On sent malgré tout le petit effet stressant de ce montage épileptique et sauvage qui sied finalement assez bien à cette mise à mort barbare. On finit par être totalement aveuglé par ce christ sur cette croix, devenant par la force des choses plus proche de lui spirituellement que physiquement... Notre père, etc... Un film qui abuse de la persistance rétinienne au montage aussi mécanique et hallucinant qu'une prière.

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Il est ensuite temps pour nous de retrouver Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg qui discutent pépère dans un salon cosy au coin du feu en attendant qu'on les appelle pour le tournage d'un film ; au préalable, Noé, qui aime à se placer sous des références multiples (Fassbinder, Dreyer, Godard, Pasolini, Kubrick... il ne choisit ni des bras-cassés ni des tendres...) aura évoqué une petite anecdote d'un tournage de Dreyer qui pourrait nous faire présumer de la suite : pour parvenir à un certain effet à l'image, il faut savoir au préalable mettre les acteurs sous tension, les pousser dans leur dernier retranchement. Nous voilà donc prévenus. La petite causerie a tendance à déraper un brin, puisqu’elle part des sorcières pour dériver sur le sexe ; on apprécie le franc parler de Dalle et le ton mi-sensuel mi-réservé d'une Charlotte qui n'est pas en reste en termes d'anecdotes un tantinet surprenantes. On sent une vraie complicité entre les deux actrices qui parlent à bâton rompu de l'effet qu'elles peuvent produire sur la gent masculine... Bien. Et puis le tournage de la scène approche et c'est le début de la cacophonie : Noé reste en split screen et nous donne à voir nos deux actrices plongées progressivement dans cet enfer (le tournage consiste à filmer trois femmes crucifiées avant d'être brulées) ; Dalle, sa gouaille, sa gueule, sa franchise, prend les commandes du tournage et envoie chier chef-op ou producteur à la moindre occase, Gainsbourg, sa patience, sa gentillesse mais faut pas pousser, tente de faire son taff mais le stress l'envahit : un coup de fil à sa fille qui l'inquiète grandement (la gamine aurait subi des sévices sexuels), des maquilleurs-coiffeurs qui ne font pas franchement preuve de tact et Noé de transformer l'arche de son tournage en grand bordel ambiant avec lumières qui partent en vrille, musique grandiloquente et techniciens qui n'en font qu'à leur tête... Dalle, fassbinderienne, se fait dictatoriale pour tenter de reprendre la main sur ce tournage bordélique qui sent le soufre ; Gainsbourg se tortille sur sa croix telle une actrice dreyerienne poussée jusqu'au bout de sa résistance. Enfer et damnation d'un tournage avec des figurants aux allures de morts-vivants ! Noé semble prendre un malin plaisir à retrouver l'esprit (du tournage) de ses maîtres avec cet enfer cinématographique qui en fout une fois de plus plein les yeux et les oreilles aux spectateurs ; c'est, le Gaspar ne se refait pas, éminemment démonstratif, même s'il y a forcément une pointe d'ironie dans ce joyeux bordel. Noé en capitaine d'un navire qui coule est dans ses petits souliers, on apprécie au moins le sens de l'esbroufe et de l'excès du cinéaste incapable d'offrir dans ses œuvres une once de sobriété. Copieusement original même si on eut souhaité sans doute un poil de nuances… Joyeux Noé diabolique.

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