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30 septembre 2020

Vitalina Varela de Pedro Costa - 2019

731502-16

Notre Pedro ne change pas avec les années, et nous sert encore une fois un film tout d'exigence, de lenteur, de mystère et de beauté. Il n'en finit même pas d'arpenter les bas-fonds lisboètes déjà arpentés avec Dans la chambre de Vanda, et de tenter de percer le mystère de cette faune underground et miséreuse habitant des taudis et vivant de rien. Fidèle à son penchant pour le "documentaire fictionné", il s'appuie cette fois-ci sur une histoire et des personnages semble-t-il réels pour façonner son film : Vitalina Varela, qui joue son propre rôle, est une femme que son mari a quittée un jour, partant de leur maison cossue du Cap Vert pour tenter la fortune à Lisbonne. Ça fait 25 ans qu'elle essaye de le rejoindre, elle y arrive enfin... mais quand elle débarque, voilà 3 jours que l'époux a passé l'arme à gauche. Elle hérite de la misère complète dans laquelle il a vécu toutes ces années, renonçant bien vite à ses ambitions pour tomber dans la paresse, le laisser-aller et la bibine. Et voilà donc notre Vitalina arpentant ces quartiers à moitié en ruine, croisant des hommes qui ont connu son mari, tous déclassés, tous décharnés, et notamment un prêtre tout aussi miteux, à travers lequel elle va tenter d'entr'apercevoir une dernière bribe d'espoir.

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Homme de peu de mots, Costa... Son film préfère montrer que dire, et l'ascèse qu'il utilise n'a jamais été autant en place que dans cette mise en scène qui fait du vide et de l'obscurité les motifs principaux de sa beauté. Il compense l'absence de mots par des cadres impressionnants, déifiant le visage fermé de son héroïne sacrifiée, la montrant la plupart du temps immobile et tendue dans l'attente d'on ne sait quoi, au milieu des cahutes insalubres du quartier. Insalubres, oui, mais rendues magnifiques par Costa qui éclaire ces murs de chaux d'une lumière rasante qui n'est pas sans évoquer Vermeer, jouant du contraste entre obscurité et clarté, s'appliquant minutieusement à rendre ses plans aussi picturaux que possible. Ces cadres fixes (le gars est avare en mouvements également) sont autant de tableaux classiques, qui montrent des personnages rigoureusement placés dans l'écran pour les rendre puissants, des visages iconiques qui laissent voir le grain de la peau, des paysages de ruines qui évoquent des monuments anciens. Quand ça se met à parler, à bouger, c'est pour développer toute une fantasmagorie presque magique, où l'invocation, la prière, la plainte tiennent lieu de "dialogues". Vous dire qu'on comprend tout de ces tergiversations mystiques et de ces personnages opaques serait mentir. Vous dire qu'on ne s'ennuie pas un instant le serait aussi. Le film est difficile, brumeux, parfois même assez poseur. Mais malgré le peu de clarté de la chose, on reste fasciné par ces tableaux vivants qui ne sont pas sans évoquer le Tarkovski des grands jours, et on admire le travail formel de Costa, et sa façon de mettre en lumière un espace peu filmé par les autres, que lui filme comme un vaste espace mental. Il existe une beauté des ruines, de la désolation, de la pauvreté, de la crasse : Costa va la chercher, et nous la ramène dans ses habits les plus mythologiques.

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