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7 janvier 2021

Effacer l'Historique de Benoît Delépine & Gustave Kervern - 2020

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Ah je les aime bien, les bougres, qu'est-ce que vous voulez. Delépine et Kervern nous reviennent avec un film toujours aussi discutable, toujours aussi naïf, toujours aussi inégal, mais toujours aussi réjouissant, à la fois drôle et attachant. C'est leur style depuis toujours : aller dénicher la tendresse dans les endroits les plus improbables, dégager du cynisme mordant qui les caractérise, des bouts de poésie sentimentale du meilleur effet. Alors, oui, on n'est pas dans un Kubrick, on est d'accord, le film est mal foutu, tout bancal, d'un goût douteux, trop asservi encore à leurs farces de potaches à la TV ; mais il s'en dégage, de temps en temps, une vraie chaleur humaine. Et la critique des réseaux sociaux, de la vie qui va trop vite, de notre soumission aux écrans, qui pourrait devenir vite agaçante chez des cinéastes plus mièvres, est changée ici en farce réjouissante, ce qui permet de faire passer en force quelques idées très appuyées que d'autres auraient mises en scène au premier degré. Bref, sous le charme, en tout cas à plusieurs reprises, de Effacer l'Historique, qui vous donne envie après ça de balancer votre I-phone X2000 new generation et votre ordinateur sur-équipé à la poubelle.

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Le problème, c'est que le film est très inégal : parfois, il vous cueille par sa frontalité, par ses idées, par ses audaces ; d'autres fois, il vous ennuie. Toujours le même défaut chez le diabolique duo : ils ont trop de potes. Et leur offrent donc à tous leur petit caméo, leur petite scène, quitte à faire du hors-sujet. C'est par exemple ici Houellebecq en caricature de lui-même, ou Bouli Lanners en gourou informatique forcé, qui plongent le film dans un machin à sketches pas très drôle, dans un film de copains pas très fin. Si Poelvoorde s'en sort parfaitement avec son personnage de livreur über vraiment poilant, les autres sont convoqués là parce qu'ils font partie de la team-Delépine/Kervern, et n'apportent rien au truc. Et puis, quand ils se laissent aller à leurs instincts punkoïdes, provocateurs, collégiens, les cinéastes s'enfoncent, ils ont cessé de faire rire depuis longtemps avec leurs insolences de dimanche soir. Certaines séquences, beaucoup trop longues, lourdaudes, ne passent pas la rampe, et au contraire enlèvent de la pertinence au propos. Le personnage de Blanche Gardin ou celui de Denis Podalydès sont bien trop naïfs, et regardés un peu du dessus, de façon un peu trop condescendante, pour être intéressants de bout en bout, malgré le talent des acteurs. On a du mal à croire à cette histoire de soularde dépressive embringuée dans une histoire de sex-tape, ou à ce petit bonhomme tombant raide dingue d'une voix synthétique. Dernier défaut dommageable au film : sa grande naïveté, qu'on peut même qualifier de réactionnaire sur la fin du film (qui prône un retour au pot de yaourt comme moyen de communication, quand même), sa méfiance du progrès légèrement ringarde.

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Mais quoi qu'il en soit Effacer l'Historique recèle suffisamment de jolies petites trouvailles pour emporter l'adhésion du spectateur (masqué) moyen. D'abord, c'est une suprise mais Corinne Masiero est plutôt pas mal, en charge du personnage le plus touchant du film, une ex-Gilet Jaune qui encaisse mal les lendemains qui déchantent et court désespérément après les "like". Là, Delépine et Kervern s'emparent vraiment d'un sujet moderne, d'un vrai sujet pourrait-on dire, et traitent la désillusion à hauteur d'homme. Et puis, il y a mille scènes vraiment drôles, surtout dans la première heure (les gars font toujours trop long), portées essentiellement par la gouaille de Blanche Gardin, mais aussi par le sens du détail des cinéastes : un quartier pavillonnaire kafkaien, une femme dépassée par le monde moderne, les rapports d'un père avec sa fille hyper-connectée, des binouzes planquées dans les buissons d'un rond-point, et c'est toute une poésie de la banlieue, des petites gens, des sans-dents qui est déployée, parfois certes de façon très caustique, mais aussi en totale empathie, en se rangeant dans le rang des paumés losers qu'ils filment. Le regard sur notre monde connecté est varié, tout y passe, des data-centers au démarchage téléphonique, du harcèlement moral aux entreprises d'achat de clics, des arnaques du Bon Coin aux über exploités ; on a envie de gueuler contre tout ce fatras en compagnie des trois personnages perdus ; une nouvelle fois la colère des deux cinéastes est communicative. Un film drôle, constitué certes de hauts et de bas, mais très attachant. (Gols 11/09/20)

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Nom de Dieu d'une châtaigne, il m'en a fallu du courage pour venir à bout de ce dernier opus des ex doux dingues devenus affreusement lénifiants... Je ne vais pas revenir sur les terribles défauts de la chose soulignés d'ailleurs par mon comparse (Gardin et Podalydès en personnages lunaires et mollassons bougrement dépassés par le monde virtuel et les crédits) et les (très) maigres consolations (Poelvoorde toujours aussi frappadingue et Masiero, nostalgique du bon temps des ronds-points occupés, qui n'a pas totalement fini d'expurger sa colère et sa rébellion : seulement voilà, ce personnage a priori intéressant est finalement traité par dessus la jambe et sa petite coucourse aux étoiles se révèle simplement d'un pathétisme bon enfant). Oui, les deux auteurs ont trouvé une thématique dans l'air du temps, dommage qu'ils soient incapables de trouver, au moins dans la première heure, un véritable fil conducteur - et quand ils en trouvent un, dans la dernière demi-heure (la poursuite des "abuseurs"), ils semblent avoir perdu déjà toute inspiration caustique (on se marre plus du tout, on roupille). Alors oui, cette approche de tous les grands maux et chierie de notre siècle réduit en bouillie par la 4G et internet part d'un bon sentiment : seulement voilà, les sketches s'empilent avec de trop rares bonnes idées (ouais la bière dans les buissons, moi aussi, j'avoue ; le coup de l'âne à la con, sinon) et le flegme absolu de Gardin et Podalydès tout dépassé qu'ils sont par ce monde trop grand et trop malin pour eux laissent souvent pantois - le coup des yaourts finissant définitivement par nous achever. Deux auteurs-trublions un peu à la peine pour tenir la longueur et construire des personnages auxquels on croit et un film qu'il me semble tout bonnement avoir déjà effacé de ma mémoire vive cinématographique...  Et puis sinon, qu'on laisse enfin Houellebecq tranquille, il n'a plus de gueule du tout, le pauvre. (Shang 07/01/21)

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