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3 septembre 2020

LIVRE : Ce que je ne veux pas savoir (Things I Don't Want to Know) de Deborah Levy - 2014

zoom-ce-que-je-ne-veux-pas-savoirUne auteur qui nous arrive de nulle part avec une excellente réputation, et qui sort en cette rentrée un machin résolument en-dehors des modes : une biographie en deux tomes, dont Ce que je ne veux pas savoir est le premier. Toujours à l'affût d'une nouvelle voix, j'ai donc ouvert ce beau petit livre bleu, et me suis plongé dans cette vie, qui aborde l'enfance et les années de formation de la dame. On tique un peu au premier chapitre, qui tente de planter une fois pour toutes l'opinion de l'auteur sur les femmes en général, et sur sa position en leur sein en particulier. C'est toujours un peu le même discours indignaro-revendicatif tendant à envoyer les hommes à leur éternelle société patriarcale, et Levy manque cruellement d'originalité pour aborder ce passage, désormais incontournable quand on est une femme du XXIème siècle et qu'on se pique d'écrire. Abandonnée et perdue, elle entreprend un voyage à Majorque, dans un hôtel qu'elle a connu jadis, et cet exil est la porte d'entrée vers une profonde introspection, aussi bien émotionnelle qu'historique, politique qu'esthétique. Même si les idées ne nous convainquent guère, trop assénées, pas assez nuancées, on apprécie pourtant cette entrée en matière qui montre une femme libre mais fragile, prête à courir le risque de se remettre en question. Les personnes qu'elle va rencontrer à Majorque lui renvoie toutes, ironiquement ou plus franchement, un miroir de son désarroi de femme seule, et on sent déjà que Levy en a sous la pédale au niveau du style : on est dans la belle écriture assez classique, et pourtant il y a cette touche de modernité indicible, qui peut la rapprocher des grandes fondatrices du féminisme (de Beauvoir, Blixen), un mélange de lâcher-prise dans l'écriture et de très grande maîtrise. Intrigant, donc, et on enchaîne sur la deuxième partie, qui va laisser tomber les fatigantes revendications faciles pour plonger dans le passé de l'auteur.

La dame a grandi à Johannesburg, dans l'ombre d'un père militant pour l'ANC et arrêté puis déporté alors qu'elle est encore enfant. Cet événement, capital dans sa construction, éveille en elle la nécessité de parler, de militer, de se faire entendre malgré l'adversité. Ces années d'enfance, là aussi, sont racontées simplement, avec le brin d'humour et de distance qu'il faut. Puis c'est l'exil pour l'Angleterre, avec le dépaysement forcé qu'il induit, la confrontation avec les autres (garçons et filles), la difficile adaptation avec une société si éloignée de celle qu'elle a vécue jusqu'à maintenant. A travers ces deux expériences différentes, Levy découvre sa vocation : écrire, s'exprimer, faire entendre sa voix. Elle le fera dans un mélange des deux cultures, populaire et érudite, ce qui donne cette écriture assez particulière, savante et décontractée, qui marque des points. On ne hurlera pas pour autant au génie, mais on constate que les éditions du Sous-sol ont débusqué avec Deborah Levy un petit bout de bonne femme attachante, intelligente et frondeuse. La suite très bientôt, donc...

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