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3 décembre 2020

LIVRE : Impossible d'Erri de Luca - 2020

9782072860829,0-6772946On enchaîne cette rentrée avec ce petit ouvrage d'Erri de Luca que nous n'avions point fréquenté depuis longtemps. L'histoire, ici, est à la fois montagnarde (l'écrivain étant lui-même un adepte de l'alpinisme) et politique : un homme, connu pour ses idées engagées au siècle dernier, est accusé d'avoir, lors d'une balade en montagne, tué l'un de ses anciens compagnons « d’armes » ; un compagnon qui avait trahi les siens à l'époque (en les dénonçant à la police) et qui aurait donc été victime d'une vengeance. L'accusé, âgé, est face au juge et apparaît immédiatement comme un homme de conviction. Lui n'a jamais rien renié de son engagement, de son combat. Ce n'est pas pour autant qu'il est devenu assassin : il se promenait en montagne et a été le simple témoin d'une chute mortelle ; il a prévenu les secours sans savoir que cet homme était l'homme qui l'avait livré aux forces de l'ordre. Il n'a donc rien à voir avec cet "accident". Le juge est convaincu du contraire et pose les questions les plus retorses pour que l'homme se trahisse. Seulement, cet homme d'expérience, n'a plus rien à perdre, plus rien à gagner et défend sereinement sa cause : il n'y est pour rien et rien ne pourra jamais prouver le contraire. Il en a là encore l’intime conviction.

Un dialogue entre deux hommes, entrecoupé de lettres que l'accusé écrit à sa douce ; des lettres d'amour (ou tout du moins où il montre son attachement à celle qui est devenue sa compagne) mais également des lettres où il revient sur cette confrontation avec le juge et son passé. Ce qu'on aime avant tout, chez notre accusé, c'est cette fidélité à ses idées (il fut un temps où certaines personnes avaient des convictions, de réelles convictions, pas que de beaux discours) et cette malignité qu'il met lors de cet "entretien" avec le juge à se sortir de tous les petits pièges tendus. Rien n'a pu jamais battre en brèche ses idées, ses idéaux et rien, semble-t-il, ne pourra le faire craquer ; la prison, il connaît et qu'on l'accuse, à tort ou à raison d'ailleurs, il s'en contrebalance, prêt à s'asseoir jusqu'au bout sur son système de défense : la mort de cet « ami passé de l'autre côté », alors même qu'il se baladait dans le coin, n'est qu'une simple coïncidence. Point. Le juge feinte, ment, bluffe mais semble incapable de trouver une quelconque faille auprès de cet homme moralement et psychologiquement solide comme un roc. On s'amuse (c'est en plus relativement court, pas le temps de se lasser) de ce petit jeu entre les hommes et du calme absolu de cet accusé qui ne renie absolument rien de ses actes passés. Une belle petite passe d’armes (même si cela s’avère un peu court en bouche) relativement « théâtrale » en soi.   (Shang - 28/08/20)


Voilà, une petite récréation pas déplaisante entre deux plus gros morceaux, il ne faudra rien attendre de plus de la part de De Luca. Mais rien de moins non plus, et ce petit roman tient bien la barre et se montre suffisamment haletant pour mériter la bienveillance. Débarrassé des élans catho lourdauds qui handicapaient les livres récents de l'auteur, mais non moins mystique pour autant, l'écriture aime prendre les chemins de traverse du polar pour traiter d'un thème assez intéressant : l'engagement politique, considéré ici autant comme un sacerdoce que comme une manière d'être fier, droit dans ses bottes et adepte de la camaraderie jusqu'au bout des ongles. Tout en dignité, revenu de tout, traitant les basses contingences humaines en vrai sage zen, le héros d'Impossible est un militant comme on n'en voit plus, convaincu de ses idées, d'une noblesse d'âme sans pareil, féru de dialectique, pas impressionné pour un sou par les manœuvres du juge qu'on lui oppose, et surtout partisan d'une solidarité entre frères de combat qu'il n'a jamais reniée. C'est pour ça qu'il considère le traître, victime de cet accident de montagne, comme un homme à oublier, lui qui a balancé ses camarades et en premier lieu le protagoniste lui-même, pourtant meilleur ami à l'époque. A-t-il tué ? N'a-t-il pas ? Il faut reconnaître que De Luca n'est pas le maître de l'intrigue policière, lui qui sème des hypothèses que même Hercule Poirot aurait écartées il y a 100 ans ("ahah, j'ai compris : vous avez jeté de la poussière dans ses yeux, et il est tombé"...). Mais il compense l'improbabilité de son enquête par quelques solides pages sur l'engagement, par quelques belles notes pleines d'élan sur la montagne, et surtout par un personnage à l'ancienne vraiment bien dessiné. On suit ces entretiens entre bretteurs avec intérêt, plus touché par les mouvements de l'âme des deux concernés que par le déroulement d'une enquête trop fantaisiste pour convaincre. 150 pages qui passent comme un souffle (et ce n'est pas qu'une qualité), qui ne laissent aucune trace, mais remplies de dignité et de grandeur humaines.   (Gols - 03/12/20)

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