Dawson City : le Temps suspendu (Dawson City : Frozen Time) (2020) de Bill Morrison

Voilà ce qu’on peut volontiers appeler un documentaire « 100% cinéma » sur un sujet qui ne peut que plaire aux Gols et autre Bastienax. Car oui, comme il existe parfois des miracles, plus de 500 bobines de films muets, pour la plupart des films dont on avait perdu toute trace, ont été retrouvées dans la petite ville canadienne de Dawson City… Des bobines dont on avait usé pour combler un terrain de hockey sur glace… Tout cela vous parait incroyable, impossible, bien étrange ma foi et pourtant. Bill Morrison, toutefois, ne se contente point pour autant de nous parler uniquement du sauvetage de ses bandes. Le bougre, beaucoup plus ambitieux, nous raconte, par le biais de ces films préservés mais aussi par celui de photos d’époque miraculeusement (là encore) retrouvés, toute l’histoire de cette ville dans la première moitié du siècle dernier, de la ruée vers l’or qui fit exploser la ville jusqu’aux années d’après-guerre beaucoup plus paisibles - et malgré de multiples incendies (tous les fans de cinoche et d’incendies devraient définitivement y trouver leur compte). Le cinéaste, méticuleusement, franckbauvaisement, s’attèle à trouver toujours la bonne image pour illustrer son propos, un propos qui se concentre sur l’évolution de cette ville, sur le destin de certaines personnes qui y ont fait fortune (ou pas), et, plus largement, sur l’Histoire de ce début du XIXème siècle. Ce procédé, ce concept donne définitivement toute sa valeur à ce trésor cinématographique : si les cinéphiles sont forcément ravis par cette trouvaille inespérée, les moins passionnés peuvent tout autant y trouver leur dû ; car ces films permettent de faire « renaître » toute une époque enfouie (le jeu de mot était incontournable).

De Jack London à Guggenheim en passant par Trump (eh oui, les ancêtres du balai de chiotte ont commencé par faire fortune avec un bordel canadien – tout est lié), du muet au parlant, des salles de cinéma aux salles de sport, des aventuriers chaplinesques aux grandes entreprises destructrices, Morrison dresse un portrait complet du destin particulier de cette ville – et de ses bobines sauvées des eaux. Si la musique est un peu trop entêtante, si Morrison a tendance à chercher parfois un peu trop l’anecdote (une petite réserve fait jamais de mal), on reste béat devant cette histoire de cinéma – littéralement donc – qui se déroule sous nos yeux avec ses dangers (le nitrate des bobines, je ne vous fais pas de dessin), ses accidents, ses personnages miteux, ses opportunistes et ses découvreurs modernes de trésor. Morrison, avec la patience d’un restaurateur, s’applique à nous faire revivre par le menu un passé disparu et ce grâce à la magie (jamais totalement perdue) du septième art. Un doc pour gourmet sept é-toiles.