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15 août 2020

American Graffiti de George Lucas - 1973

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Un film du temps où George n'était pas encore Lucas. Loin des épées-laser à la con, American Graffiti est une jolie petite chose mélancolique et grâcieuse, qui ne révolutionnera certes pas le cinéma américain comme l'ont fait ses collègues du "nouveau cinéma", mais qui a du chien, du charme et témoigne d'un indéniable savoir-faire. C'est même presque un genre à lui tout seul que Lucas invente là, qui a donné Les Blues Brothers, Retour vers le Futur ou Gremlins, si on veut, et qu'on pourrait appeler "nostalgie du bon vieux temps des années 50 avec jeunes gominés et filles prudes". Il s'agit de la description toute en sentimentalité de la dernière nuit avant le passage à l'âge adulte de quatre jeunes garçons acnéiques dans une petite ville typique (Modesto...) des States. On a Curt (Richard Dreyfuss), qui vient d'obtenir une bourse pour aller à l'université sur la côté est, et est rempli de doutes ; Steve (Ron Howard), le bon élève qui doit partir avec lui, et qui fait ses adieux à sa jeune fiancée ; John (Paul Le Mat), petit glandeur à la belle gueule, défenseur de son titre de "plus rapide bagnole de la ville", et déjà gagné par sa lose-attitude ; et Terry dit "Le crapaud" (Charles Martin Smith), bien décidé à perdre sa virginité ce soir-là. Tous sont au seuil du Grand Mystère de l'Avenir, tous ont leur attitude, depuis ceux qui ont déjà renonçé jusqu'à ceux qui espèrent en des lendemains chantants, tous ont leur charme. Ils s'agitent au milieu des années 60, avec leurs mauvais garçons, leurs rencontres éphémères, leurs jeunes filles qui veulent bien rouler des pelles mais refusent d'aller plus loin, leurs adolescentes à jupe plissée, leurs adultes incompétents (comme chez Spielberg, ils sont presque absents), leurs émissions de radio, et leurs standards du "wock'n woll baby oh yeah" : la bande-son est une pure tuerie de hits de l'époque, alignés constamment sur cette histoire qui se veut comique mais qui a du mal à cacher sa profonde tristesse.

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Aucune de ces marques d'auteur qui ont fait la sève du cinéma américain des années 70 : Lucas filme simple et droit, sans vrai style, et sans volonté non plus d'être un génie. Il lui importe beaucoup plus de rendre pleinement l'effervescence des années 60, et d'accomplir avec le plus de justesse possible le portrait d'une jeunesse apparemment superficielle, mais déjà un pied dans les tourments : le Viet-Nâm n'est pas loin, et American Graffiti veut retrouver une sorte de goût de l'innocence qui a précédé cette période noire. Le film est donc très authentique, très sincère, et fait percevoir ce mélange de joie intense (la musique, les filles, les drive-in, les restos à hamburgers, les couleurs) et de monde qui s'enfuit déjà (les échecs, les responsabilités). Dans une reconstitution magnifique, Lucas nous offre un monde fantastique, une vision des années 60 idyllique et parfaite : ça danse, ça drague, ça se croise et se décroise en un joli ballet, orchestré par un Lucas très à l'aise dans le montage. Les quatre garçons ont tous leur bout de destin à défendre, le film les entremêlant avec virtuosité. Ce qui n'aurait pu être qu'un film à sketches devient très cohérent, malgré la pauvreté du scénario (qui a du mal avec a narration... mais l'errance est aussi son sujet). Tout est parfait, depuis le plus petit costume jusqu'au huitième figurant au fond ; les acteurs, attachants, beaux, sont au diapason, notamment Dreyfuss, très émouvant dans sa nonchalance, et Le Mat, vrai petit James Dean de banlieue à fort charisme. Il y a certes quelques tentatives de situations drolatiques, portées surtout par "Le crapaud", mais ce qui se dégage du film est beaucoup plus mélancolique, malgré la musique, malgré l'insouciance, malgré les filles légères et les vannes bon-enfant. On est bien dans ce film, et on a envie de le faire durer comme on a envie de revenir dans ce monde d'avant, qui n'a sans doute jamais réellement existé. Après tout, l'imaginaire de Lucas reste le même : American Graffiti, Star Wars, même combat, même fantasme d'un autre monde.

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Commentaires
F
Très juste. C'est un film d'exception avec de jeunes américains sympathiques, des souvenirs d'adolescents sans prétention retapés pour évoquer le "bon vieux temps". 1973 : la fête est bientôt finie et le choc pétrolier à l'horizon. La nostalgie reste ce qu'elle était 47 ans après. Chuck Berry s'en est allé. George s'est perdu dans le cosmos mais ses graffiti d'ici-bas sont tenaces.
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