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8 août 2020

Saya Zamuraï (さや侍) de Hitoshi Matsumoto - 2012

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Dérision, décalage et goût du gadget, on ne change pas une équipe qui gagne avec Hitoshi Matsumoto, qui nous ressort après le barré Big Man Japan sa panoplie d'excentrique. Le film est beaucoup plus maîtrisé, c'est tant mieux, mais on reconnaît indéniablement la patte du bon maître. A commencer par son héros, impayable tronche qui rentre immédiatement dans la colonne des grands losers du cinéma. Ancien samouraï désormais plus préoccupé par la fuite que par les combats frontaux, il est arrêté et condamné à une lourde peine : il a un mois pour tenter de faire rire le prince de la contrée, avorton aphasique et muet. Sans ça, il lui faudra pratiquer le hara-kiri traditionnel. Il va être épaulé dans cette tâche par ses deux gardiens, qui se passionnent pour le challenge, et surtout par sa gamine, formidable petite héroïne toute en airs butés et en espoir. Grâce à elle et à son sens de la publicité, le cas de Kanjuro devient très populaire, la foule se presse à chacune de ses tentatives et tous se marrent devant ses pitreries... tous, sauf le prince qui demeure impassible. La fin viendra nous cueillir gentiment, partant sur une piste qu'on n'avait pas vue venir.

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Tout comme Kitano, Matsumoto vient de la scène comique et de la télé. Allez jeter un coup d'oeil à ce que les shows TV du Japon proposent et vous verrez certainement Saya Zamuraï d'un autre oeil. Pour eux, et donc pour lui, aucune limite à l'excès, au mauvais goût, à la grosse rigolade, les Charlots passeraient pour Woody Allen chez eux. Les tentatives du héros pour faire rire ce môme seront donc une suite ininterrompue de gros gags plus ou moins convaincants, et plutôt moins que plus la plupart du temps. Ca se situe beaucoup sur la base de la souffrance de son protagoniste, envoyé en l'air dans un canon, frappé à coups de massue sur la tête, affublé de déguisements ridicules, pendu à une corde, la somme de ses supplices est impressionnante. Le côté hilarant de la chose, c'est la réaction de Kanjuro : aucune expression sur son visage, il subit toutes ces humiliations sans fléchir. Le film est donc très répétitif (à chaque jour, son essai), mais c'est justement la répétition qui force le rire : on lève les yeux au ciel devant les idées improbables de ses complices pour gagner son challenge, et on est carrément consterné quand on voit ce pauvre type, autrefois grandiose, s'enfoncer des peaux d'orange dans les yeux pour tenter d'être drôle. Chaque jour ressemble au précédent, et se solde par le même anathème "Le seppuku reste prononcé !". L'indifférence affichée de Kanjuro finit par déteindre sur le film, qui cultive ainsi un aspect pince-sans-rire qui fonctionne. C'est certes très inégal, et on se lasse parfois de ce ton uni, unique, qui circule tout le long et qui empêche le film de décoller. Mais malgré tout, au-delà de la grosse blague, une tendresse réconfortante émane du machin : grâce à cette petite fille têtue, encore admirative de son père, qui se met à l'épauler en organisant un véritable show autour de ses tentatives, on voit se dessiner un duo tout en subtilité qui fait du bien. On peut y voir, si on veut, une critique larvée de la société du spectacle, du "rire à tout prix", et sûrement que Matsumoto avait une idée derrière la tête quand il a organisé ces scènes de cascades spectaculaires ou d'exploits insensés (un petit côté Terry Gilliam parfois aussi dans les idées) qui mènent soit au rire soit à la mort. Mais ce qui reste, c'est ce père très kitanien qui, finalement, ne se bat que pour sa fille, et avec ses outils, qui sont dérisoires. Intéressant et drôle, original et sensible, un objet à voir, sans conteste.

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