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Shangols
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12 février 2021

3 Aventures de Brooke (Xīngxī de sān cì qí yù) (2020) de Yuan Qing

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Vrai petit bonheur que ce film de Qing (vu, ô gloire, en salle... salle complétement vide, dois-je avouer au passage, ce qui permet forcément d'être plus à l'aise avec son masque...) qui outre le fait de se situer entre Rohmer (pour les multiples clins d'œil et le ton) et Hong Sang-soo (pour le scénar et cette façon de jongler avec les lignes narratives) possède un petit charme évident, propre à lui, à l'image de ce lieu de tournage (Alor Setar) qui, je ne vous apprendrai rien, se situe en Malaisie (autre pays cher à mon cœur). Trois histoires, c'est dans le titre, mais qui sont comme trois pistes que l'héroïne aurait pu suivre suite à sa crevaison en vélo : elle crève, donc, et fera trois rencontres, les trois histoires se situant, sur le même laps de temps (trois éventualités en quelque sorte, Hong sors de ce corps) ; la première histoire se concentre sur le personnage de Ailing, une jeune fille qui se fait une joie de promener Brooke dans sa contrée. Une histoire relativement légère, mais avec une petite sorte de moral rohmérienne : «bien mal acquis ne profite jamais », ou encore « bien mal vendu non plus »... Suite à l'achat d'un cristal dans une boutique spécialisée, Brooke et Ailing vont se séparer, se fâcher, se retrouver, faire front... Une jolie petite histoire d'amitié entre la Pékinoise et l'autochtone plein de fraîcheur et de désappointement. La seconde histoire est également relativement romhérienne avec ce désir d'une bande de jeunes adultes de rénover la vieille ville pour la rendre plus attrayante. Brooke, anthropologue de formation, va tenter d'apporter de l'eau au moulin de leur réflexion - sans forcément d’ailleurs qu'elle fasse tourner le moulin dans le sens qu'ils attendaient. La dernière histoire, plus longue, nous permet de croiser le rohmerien Pascal Greggory, tout chenu, mais loin d'être abattu. L'histoire prend alors un ton plus intime, plus profond, oscillant entre la gaieté (le rire de Brooke) et la tristesse (Brooke s'épanche sur son passé et le récit vire un peu au mauve) ; des discussions pleines de compassion naissent entre la jeune fille et ce romancier expérimenté et s'achève en apothéose avec un clin d’œil (bleuté) à l'ami Rohmer. 

téléchargement

Qing, indéniablement, a vu les auteurs précités et s'en inspire volontiers ; mais derrière l'hommage, attention, il y a un vrai ton, une vraie originalité. Les couches du récit se rajoutent les unes aux autres et l'héroïne, après avoir montré une face un peu insouciante, en montre une plus sérieuse (les références à ses études) avant de plonger dans le récit purement sentimental, intime, profond. Comme le cristal, la chtite montre différentes facettes avec au final toute une gabegie de larmes, des larmes de tristesse (en raison d'une perte difficile à oublier), et des larmes de joie (les mystérieuses larmes bleues tant recherchées par Pascal Greggory). Différentes couches qui, mine de rien, permettent de livrer un récit beaucoup plus complexe que chacune des petites historiettes prises séparément. Tout comme chez Hong, des points communs reviennent dans les trois histoires : des personnages (qui passent du statut de figure-clé dans un épisode à simple figurant dans l'autre ; la cartomancienne qui semble sortir tout droit d'un célèbre film de Varda), des lieux (ce café en bord de lac, les rizières, le temple qui est un lieu de passage central dans chacun des récits), ou encore un simple nom (ce fameux "ruisseau étoilé", sa légende, sa version en malais et en chinois, sa recherche par l’héroïne...). Brooke semblait devoir passer à Alor Setar quelques jours de vacances ; on comprend rapidement que ce séjour est dû à des motifs de plus en plus sérieux et chaque récit nous plonge un peu plus en profondeur dans la connaissance de Brooke, ses tourments, sa recherche d'un équilibre ; les mots pleins de sagesse d'un Pascal Greggory aussi fantomatique dans son aspect que solidement présent humainement tenteront progressivement de lui faire sortir la tête de l'eau (le ruisseau) pour tenter de lui montrer à nouveau les étoiles. Un vrai petit coup de cœur en trois temps (poum poum poum).   (Shang - 22/07/20)

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Étonnant le goût des Chinois pour Eric Rohmer... On dirait qu'ils n'ont que ce nom-là à la bouche, sûrement parce qu'ils trouvent une filiation entre leur cinéma tout de discrétion et de non-dit et les films subtils du gars. On aimerait bien toutefois qu'ils s'intéressent aussi à Dumont ou à Renoir, ça changerait un peu. Mais bon, force est de constater : le cousinage rohmerien leur va à ravir, si on en juge ce très joli film tout en finesse. Dès le premier plan, on est touché par la grâce délicate de cet univers et de la comédienne, et par ce discours : tout est possible à partir de ce plan de promenade en vélo. Et effectivement, tout va être possible, puisqu’à partir de cette même base, trois histoires vont se développer, avec chacune leur charme et leurs surprises, pour former finalement une seule chose : le portrait d'une jeune fille en voyage, entre parenthèses pourrait-on dire, dans un pays qui lui échappe en partie. Chaque aventure de Brooke lui fait éprouver une facette d'elle-même : la première dans ses relations amicales, la seconde dans sa vie professionnelle, la troisième dans son versant le plus sentimental, amoureux, même s'il n'est pas question d'amour entre elle et ce vieil homme. Le résultat est touchant comme tout : il y a une justesse de ton, une manière de ne jamais en rajouter plus qu'il ne faut, un regard très doux et tendre sur cette fille un peu paumée, une humanité réconfortante, dans ce film passionnant malgré son peu d'événements. C'est une simple balade dans la nature et dans la ville, une recherche sans pathos de ses origines, des rencontres hasardeuses, le tout soutenu par une écriture très maîtrisée. Le seul bémol que j'y verrais se situe dans la photo, très moche et c'est dommage : il y avait de la place pour une vraie élégie naturaliste, surtout dans la dernière histoire, la plus belle incontestablement, qui se termine par l’apothéose de ce moment suspendu face à la mer. Misère de ces nouvelles caméras numériques qui tuent le plaisir... Mais à part ça, on est bluffé par la maîtrise totale de la mise en scène, qui sait toujours placer sa caméra à l'exacte bonne distance des acteurs, par la direction des comédiens, tous parfaits, par la beauté de l'écriture, tout ça pour un premier film. Moi je dis respects.   (Gols - 12/02/21)

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