Nos Héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? d'Ettore Scola - 1968

Notons d'entrée de jeu le titre original de cette oeuvre : Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l'amico misteriosamente scomparso in Africa ? Ça c'est fait. Mis à part ce titre gaguesque, que dire du film en lui-même ? Eh bien à première vue, pas grand-chose, puisque voilà un pur gag signé Ettore Scola, qui marche ici sur les traces des grandes comédies italiennes genre buddy movie, avec force gags et moult aventures pendables. Dans les rôles du buddy guy movie, effectivement deux acteurs à peu près opposés dans le spectre du jeu : Alberto Sordi, survolté et clownesque, et Bernard Blier, dans le rôle du mec sérieux comme un pape. Ces deux-là, patron et comptable, s'embarquent pour l'Angola à la recherche du beau-frère du premier, disparu sans laisser de traces au beau milieu du pays. Au programme : découverte extatique de l'Afrique, ses rites zancestraux, son âme noire d'ébène, ses lions zaffamés et ses traditions zexotiques, panne de voiture, attaque de mercenaires armés, enlèvements par des cohortes hostiles, combat avec la faune locale, disputes internes, entourloupes d'associés, bref on est dans La Chèvre avant l'heure. Le film ne s'épargne pas pour nous faire nous gondoler à loisir, rempli qu'il est comme un oeuf d'aventures rigolotes, qui vont de la consternante à la très fun. C'est l'esprit italien en plein, et on passe un moment très agréable avec ces deux-là. Le film serait joué par Aldo Maccionne et Pierre Mondy, on serait plu dubitatif ; mais Sordi est doté d'un bagout incroyable et fait passer tout, âneries comme grandes trouvailles ; et Blier, post-synchronisé de façon un peu aléatoire, est un excellent clown blanc, pas seulement passe-plat de Sordi mais trouvant sa place dans ce film essentiellement centré sur la star.

Ça ne pourrait être qu'une grosse blague pas toujours très fine sur un duo mal assorti dans un pays complètement étranger. Mais peu à peu, une lecture plus ironique se dégage de tout ça. Il s'agit de fustiger la bien-pensance occidentale par rapport aux Africains, et Scola ne prend pas de pincettes pour ce faire. Dès le départ Sordi, habillé comme un clown en costume colonial, s'extasie comme un touriste devant les autochtones, qui le regardent comme un brave crétin, et toutes ses tentatives pour s'intégrer au pays font chou blanc : la chasse au lion est un fiasco, le retour à la vie sauvage se solde par une nuit terrible en plein air, bref, malgré tout son enthousiasme et sa volonté de bien faire, le blanc est renvoyé à son triste rôle de témoin de la misère. Scène clé dans ce sens : une séquence où des expatriés blancs obligent tout un village à soutenir à dos d'homme un pont effondré pour pouvoir passer en voiture. Cette belle scène, qui sort de la comédie stricte, se conclue par une bagarre entre eux et nos héros, preuve que le travail de prise de conscience se fait doucement. Scola finit par trouver le ton juste pour parler de cette Afrique peu à peu abandonnée par les blancs (les mercenaires portugais qui errent en pleine brousse, l'Allemande devenue folle) et qui retrouve ses vraies racines, incompréhensibles pour les occidentaux. Quand enfin nos amis découvriront le beau-frère en prophète de pacotille au fin fond du pays, ce sera pour se rendre compte que celui-ci est peut-être finalement le vrai héros de l'histoire, celui qui a transformé son image folklorique ringarde en vraie compréhension du pays (il arrive même à faire tomber la pluie). Voici donc un film bien de son pays : à la fois picaresque et mouvementé, et acerbe dans son fond. Un bon moment.

Comments

[Mitchinitto]

Me suis fait copieusement iech à ce film... Vu à sa sortie avec Alberto S. en chair et en zos - si signor - pour le présenter... Mais ianch tout de même.

Sur les traces des grandes comédies italiennes, que vous disez... Ah ?