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15 juin 2020

Une Rivière nommée Titash (Titas Ekti Nodir Naam) (1973) de Ritwik Ghatak

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Ghatak nous livre un film-fleuve (humour, d'entrée de jeu) qui englobe autant le destin d'une femme - courageuse - que les mésaventures tumultueuse des pêcheurs au bord de cette rivière du Bangladesh. Moult péripéties que nous conte Ghatak avec un certain art de la profondeur de champ et l'usage judicieux d'ellipses. Malgré une fin qui traîne un petit peu en longueur (Ghatak étendant les ramifications de son histoire à des personnages secondaires), cette œuvre nous livre un beau portrait de femme avec quelques pointes d'émotion exacerbée. Basanti n'a pas de bol : toute jeune, alors qu'elle attend le retour de ce qu'elle pense être son futur ami, celui-ci, pêcheur de son état, va croiser la femme de sa vie ; il lui suffit d'une visite dans un village voisin pour aimer le regard de cette femme juste après l'avoir secourue (une rixe menée par des voisins guerriers) et se voir proposer sa main. Aussitôt dit, aussitôt fait, seulement la belle est kidnappée sur le chemin du retour puis laissée à la dérive... Son nouveau mari la croit morte et devient fou (littéralement) avant même de rentrer dans son village. Basanti épousera son ami qui, lui, mourra le lendemain. Mais accrochez-vous, on est là que dans les prémices de l'histoire... La femme mariée et prétendument noyée revient dix ans plus tard dans le village, avec un fils, et retrouve forcément ce fou... les deux amants d’une nuit retombent amoureux, juste avant de rendre l'âme... Affreux. Basanti hérite alors du gamin mais son éducation ne se fera pas non plus sans heurt... Rien n'est simple, décidément, dans la vie de cette malheureuse Basanti...

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Tout comme ces scènes de pluie torrentielle, les émotions sont drues dans cette oeuvre où le destin ne cesse de contrarier le bonheur. Abandonnée par celui qu'elle aimait, veuve très tôt, devant se coltiner une mère féroce et un gamin peu reconnaissant, Basanti va passer par toutes les humeurs et les colères. Son entourage, il faut le dire, n'est pas épargné, avec ce fou (d'amour) et cette femme (ressuscitée) qui connaîtront, c'est le moins qu'on puisse dire, un bonheur éclair... Basanti tente de tenir dans ce village où les rumeurs vont bon train, n'hésite pas à mettre sa main dans la figure des hommes qui tentent de la serrer de trop près et ne cessera de se battre que lorsque la rivière elle-même aura fini de livrer tout combat, totalement asséchée... Basanti tente de tenir debout, prend de multiples coups, psychologiques et physiques, mais garde jusqu'au bout sa dignité de femme malgré les aléas du sort... L'on suit parallèlement à ce combat, la vie des pêcheurs en ces bords de rivière : les questions de castes, les problèmes d'argent, les réunions de village, les animosités… le récit est particulièrement mouvementé dans ce village plutôt paisible en apparence. Ghatak nous livre cette histoire trouble en livrant quelques cadres, ici ou là, de toute beauté, sur cette rivière, sur ces femmes lumineuses, sur ces pluies dévastatrices. Un petit peu long, oui, mais une histoire de rivière avec ses éternels méandres, les remous du destin et ses douleurs secrètes qui nous emmène tout du long en tentant de sublimer certaines misères. Ghatak boy.

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Commentaires
H
Je profite de ce texte pour conseiller, à propos de Ghatak, un des plus beaux et des plus exigeants projets éditoriaux français sur le cinéma que je connaisse : 'Ritwik Ghatak - Des films du Bengale', édition établie et présentée par Sandra Alvarez de Toledo, publié chez L'Arachnéen en 2011. Tout comme Ghatak, le livre est assez méconnu (même au sein de l'édition sur le cinéma, elle-même très peu vendue et trustée par quelques noms d'un intérêt souvent relatif), c'est pourquoi je me permets de l'évoquer ici.
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