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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
27 mai 2020

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun jiang shui nuan) (2020) de Xiaogang Gu

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Totalement sous le charme de cette œuvre chinoise qui nous présente trois générations (pas forcément sous un même toit) et surtout quatre frères avec des destinées diverses plus ou moins glorieuses... Une grand-mère en fin de vie (le film s'ouvre sur elle : son anniversaire et son malaise), nos quatre frères avec leurs problèmes de thune, et leurs enfants (fils unique oblige) parvenus pour deux d'entre eux en âge de se marier. Leur destin se croise, s'entremêle en cette belle ville de Fuyang, le temps d'une année bien remplie. Il y a l’aîné (et sa femme) avec son resto, proche de ses sous, qui aimerait pour sa fille un mariage arrangé avec un bon parti ; seulement voilà la chtite lorgne sur un prof, qui n'est forcément pas très argenté ; il y a le second brother qui vient de se faire déloger (en Chine, on rase les maisons gratis) et qui vit depuis sur son bateau ; lui aussi aimerait marier son fils et ne pas passer pour un gland en lui procurant un logement ; il y a le troisième frère : il élève seul son fils trisomique après avoir quitté sa femme. Son truc, à lui, c'est la thune facile, en joueur qu'il est. Il a forcément des dettes et monte des arnaques pour se refaire – à ses risques et périls. Enfin il y a le benjamin, un peu simplet, qu'on aimerait bien caser - mais faut bien reconnaître, s’il est gentil, qu’il est un peu benêt et c’est loin d’être gagné d'avance. Ce petit monde évolue avec plus ou moins de réussite, s'engueule (pour des problèmes d'argent ou de mariage), se réconcilie, discutaille et boustifaille, et tombe la neige, et après la pluie le soleil ou parfois la pluie...

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Dit comme ça, cela pourrait sembler terriblement banal. Et c'est, sur le fond, simplement juste, et sur la forme, simplement magnifique. Le cinéaste ne cherche en aucun cas l'exploit cinématographique pesant, l'esthétisme par excès ; il se permet simplement de "dérouler" son récit en usant le cas échéant de deux trois petits trucs cinématographiques de haut vol : il y a d'abord un incroyable travail sur le son, à l'image de ce premier plan lors de la fête, où l'on n’entend pas forcément parler les personnes qui sont au premier plan ; cela permet au spectateur d'embrasser la scène dans son entier en effectuant un petit travail de recherche pour capter les interlocuteurs – on est d’entrée de jeu sur le qui-vive ; il y a aussi cette séquence extraordinairement bien agencée où l'on suit le benjamin avec son "éventuelle future femme" alors même (on le découvre au bout de quelques secondes) que l'on écoute une discussion entre un autre couple – un autre couple qui finit justement par faire son apparition dans le champ ; un procédé qui n'a pas forcément de fin en soi mais qui permet de croiser subtilement les chemins de ces quatre frères. Niveau plan-séquence, on a droit sans doute au plus beau de l'année (on prend guère de risque vu qu'on se demande si d'autres films vont finir par sortir en 2020...). Un plan-séquence d'une dizaine de minutes qui suit la fille du frère aîné flirtant avec son amoureux de prof. Le plan se contente de suivre les berges de ce lac, le prof faisant le pari qu'il ira plus vite qu'elle à la nage ; puis il la rejoint, ils marchent ensemble sur la berge et prennent enfin un ferry où il lui présente son père. Une séquence durant laquelle il évoque (et "plonge" dans) son enfance, durant laquelle elle évoque sa popularité à l'école, une séquence où l'on sent leur connivence, leur complicité, dans ce décor somptueux, éternel, dans cet écrin de végétation. Un seul plan, pour qu'on comprenne qu'ils s'aiment et sont soudés - même si les parents de la fille sont opposés à leur union, on se dit que malgré les pressions, ils ne pourront réussir à défaire ce lien tenu qui existe entre eux.

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Si le film sait faire une place à l'histoire de ce lieu, à ses peintres, à ses poètes célèbres, il n'en reste pas moins profondément ancré dans la société moderne : les démolitions, les problèmes d'argent, les problèmes d'argent, les problèmes d'argent et puis les liens familiaux (le poids de la grand-mère devenue sénile) et les espoirs de mariage (qu'on aimerait "arrangé" même si la résistance de la nouvelle génération est en marche). Des problèmes certes triviaux mais très judicieusement traités par Gu qui n'a pas besoin de coups d'éclat ou de coups du sort pour donner de la contenance à son film. Un film juste, réaliste, beau, avec des acteurs dirigés aux petits oignons, plus vrais que nature (vous savez mon attachement pour la Chine, hein, eh bien il y a ici véritablement toute la Chine (moyenne) dans un bol de riz). Gu dégaine des petites saynètes, et, par petites touches, parvient à donner à voir tous les soucis (et les petits moments de joie) de cette société qui trime au quotidien et qui tente de sortir la tête de l'eau. Parfois on joue et souvent on perd, le troisième fils en fera notamment les frais, lui qui malgré ses petites arnaques, tente avec foi de s'occuper de son fils et de sa mère. Ses autres frères, plus égoïstes, ont beau lui faire la morale, ils ne sont dans le fond guère plus dignes que lui sur un plan purement humaniste. Des êtres avec leurs petites mesquineries et leurs fêlures qui savent faire le dos rond pour garder la face dans cette société sans pitié. Un magnifique et captivant séjour dans les monts Fuchun dont on apprend sur la fin qu'il ne s'agit là que de la première partie. J'ai déjà fait ma réservation pour la suite.   (Shang - 23/05/20)

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Un bien beau film, je le confirme, plus captivant cela dit sur la forme que sur le fond. J'ai eu un peu de mal en effet à comprendre exactement où Gu voulait en venir avec sa chronique d'une famille moyenne dans le Chine d'aujourd'hui. Prendre 2h40 pour raconter uniquement ces minuscules choses pas passionnantes paraît un peu excessif, surtout que le film n'est pas fini et annonce un second volet. J'ai eu du mal à distinguer les différents personnages, et ne me suis peut-être pas assez accroché au scénario ; j'ai donc pu constater que chaque détail sonne vrai, mais sans trop savoir ce qu'on était en train de me raconter. Gu a peut-être l'ambition d'un Balzac, cherchant à embrasser en un seul mouvement l'ensemble des aspirations, des espoirs, des bonheurs, et des malheurs, des coups du sort, que pouvaient ressentir tous ces êtres au moment X de l'Histoire : le moment où la Chine verse dans la modernité, et au lieu X du pays : ce fleuve, cette région, regardés avec un amour qui saute aux yeux. Et son portrait en coupe est pertinent, donnant à voir une multitude de sentiments et d'émotions. Alors ok : acceptons ce style minimaliste (dans l'écriture en tout cas), acceptons que le film ne raconte que ça, et profitons pleinement de l'écrin magnifique que Gu brode sur son histoire.

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Parce que, quel que soit son sujet, le film est spectaculaire, et sa forme suffit amplement à notre contentement. Mon compère a déjà relevé les idées sur le son (inspirées peut-être par Woody Allen, il me semble qu'il y a le même effet dans Annie Hall), il a déjà applaudi à ce sublime plan long en travelling le long du fleuve (un plan-séquence ? ça se discute, mais il me semble que la séquence commence au plan précédent). Il a peu insisté sur le filmage des saisons, que Gu parvient à rendre avec un sens du cadre épatant et une ampleur toute solennelle dans ses rythmes. Que ce soit la douce quiétude des saisons chaudes ou la beauté graphique de l'hiver (avec ces cadres inspirés par l'épure de la peinture chinoise, qui a beaucoup d'importance dans l'esthétique du film), le gars filme le temps qui passe avec un sens de la beauté de la nature qui bluffe complètement. On reconnaitraît presque la marque des premiers Kim Ki-Duk dans cette appréhension picturale des saisons, dans cete façon de doper les micro-sentiments des personnages par une prolongation des éléments naturels. L'eau purificatrice, la neige évocatrice, le vent menaçant, transforment cette histoire qui aurait pu n'être que banale en odyssée naturaliste et presque animiste. Je me ruerais donc comme Shang sur la suite, en espérant que Gu saura s'y montrer plus concis et plus puissant dans sa trame, et qu'il conserve son formidable style.   (Gols - 27/05/20)

lll

Commentaires
F
Très bon résumé d'un excellent film.
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H
Le grand film de l'année passée.
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G
Oui c'est un très grand film de peintre, d'un jeune cinéaste très créatif. Une fois qu'on s'est repéré par rapport aux nombreux personnages, ça devient passionnant.
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