LIVRE : Voir la Lumière (Outside Looking) de T.C. Boyle - 2019

En ces temps de confinement, il est bon de vérifier la viabilité du concept de communauté. Et de se rendre compte que, finalement, il est plus intéressant de demeurer en repos seul dans sa chambre plutôt que de vouloir céder aux sirènes de la vie de groupe. T.C. Boyle l'avait compris dès 2019, et nous sert un imposant roman sur l'utopie des années 60, celle qui postulait qu'une nouvelle drogue pouvait ouvrir sur une belle utopie humaniste si on l'ingurgitait avec des compagnons bienveillants. Le LSD, donc, produit pharmaceutique découvert un peu à l'arrache en 1943 (joli prélude dingue du bouquin), encore très mal connu en 1962, alors que le chercheur en psychologie Tim Leary s'en empare pour tenter de prouver qu'il peut avoir des vertus thérapeutiques sur l'état des fous. Rien de tel que l'expérience : le gars réunit une bande d'élèves intrépides pour ingérer des doses de plus en plus fortes et voir ce qui se passe. Naviguant ainsi aux orées de de la loi, le groupe d'abord scientifique et appliqué se transforme peu à peu en une bande de fêtards, partouzards et allumés, dont les recherches s'avèrent de plus en plus douteuses et l'accoutumance de plus en plus forte. Parmi eux, Fitz et Joanie, couple en quête de nouveauté et d'excitation, qui prennent tour à tour le premier rôle du livre pour raconter comment cette utopie scientifique s'est changé en échec par l'arrivée des hippies, des jalousies, du manque de fric, ...

Une histoire du LSD depuis sa création jusqu'aux premiers baba-cools, un portrait d'une utopie qui s'effondre, l'histoire d'un couple pris dans la tourmente démente de la drogue, une narration sur la naissance d'une secte, une chronique sur l'échec des recherches mystiques ou des innovations amoureuses, il y a tout ça là-dedans. Boyle raconte patiemment comment ce joyeux groupe passionné par la recherche se transforme en secte fermée et aux intentions floues, et parfois il réussit vraiment à rendre ses personnages réels et forts. Voir la Lumière se lit avec plaisir, parce que l'écriture de Boyle, simple, variée, dynamique et minutieuse, sait nous faire aimer chacun des personnages, des plus aimables (le pétulant Tim) au plus sombre (cette jeune écervelée qui pénètre la communauté et y amène le chaos). Mais les intentions du livre demeurent un peu opaques, et le rythme de l'ensemble est assez boiteux. Chaque fois qu'un épisode semble redynamiter l'intrigue, Boyle, aussitôt après, retombe dans sa tranquille narration d'une histoire qui, du coup, n'avance pas, n'a pas de progression. Au bout des 500 pages, les personnages n'ont pas évolué, et on se dit que la trame aurait eu besoin de quelques anecdotes saillantes de temps en temps pour réellement exister. Du coup, il ne raconte pas grand-chose, ni sur cette drogue ni sur le concept de communauté, ni sur les répercussions sur le monde d'aujourd'hui ni sur ses personnages principaux, éternellement enfermés dans leurs expériences. Un peu déçu, donc, par ce livre qui promettait monts et merveilles mais stagne beaucoup trop pour vraiment passionner, même si j'en ai apprécié le style fleuri et les idées parfois très réussies (le glissement du point de vue d'un personnage à l'aure notamment). Un roman qui vous donne au moins l'envie d'essayer le LSD et de relire Hermann Hesse.

Comments

[Mitch booker]

Une copine me suggère un autre moyen de feuilleter les livres en librairie sans les toucher (outre les Post-it déjà évoqués ici) : le ventilateur de poche !

Pas mal.

Un pote a eu l'idée, lui, d'un gros chewing-gum , mais c'est dangereux et vraiment trop dégueu. Bien une idée de mec.

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