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28 avril 2020

Nora Helmer (1974) de Rainer Werner Fassbinder

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Fassbinder adapte La Maison de Poupée d'Ibsen et c'est une nouvelle fois remarquable - à tel point que l'on se dit que ces créations pour la télévision ou pour le théâtre valent amplement certains de ses longs-métrages un peu ratés. Un décor, mais nom de Dieu, quel décor, tout en miroirs, en voilures, et en « gruyère d'objets » en tout genre. Et surtout bordel de Dieu, quelle façon tonitruante de filmer la chose : Fassbinder, je le dis haut et fort maintenant qu'on a pratiquement tout vu (on peut pas nous jeter la pierre) est le plus grand des metteurs en scène sur un territoire, sur un espace limité. Tu lui files un miroir, un drap et une décoration en cuivre toute biscornue et il va à chaque plan trouver un angle de vue différent pour jouer avec ces trois accessoires. Non, non, non, ne croyez pas que j'abuse : Nora Helmer coupe une jambe par ces minuscules panoramiques qui te réorganisent en deux temps trois mouvements tout l'espace de jeu ; ces miroirs qui permettent aux personnages de faire face à eux-mêmes, ou qui les coupent en deux en cas de dilemmes, ces voilures qui cachent un visage, le rendent plus flou alors même que le personnage est en train de se dissoudre dans ses doutes, cache la vérité à son interlocuteur, ces jeux subtils sur la profondeur de champ qui permettent de mettre en avant un personnage ou, mieux, de montrer trois tableaux qui se déroulent parallèlement. C'est chiadé comme jamais et on reste tout du long abasourdi par les variations que le Rainer parvient à trouver dans ce décor qui tiendrait dans ma salle de bain. Bien. C’est dit.

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Ensuite, bien sûr, il y a le thème de la pièce qui nous permet une nouvelle fois de faire la connaissance d'une femme forte, dévouée, amoureuse, pleine d'abnégation dans un monde d'hommes lâches. Nora (les épaules fortes et la chevelure de feu de Margit Carstensen) a dû emprunter de l'argent pour régler les problèmes de santé de son mari. Elle a dû, pour ce faire, économiser comme une dingue et imiter la signature de son père, caution de l'emprunt et mort prématurément ; elle a remboursé le moindre centime mais le sale type auquel elle a emprunté de l'argent veut la faire chanter pour le faux qu'elle produit (il date de trois jours après la mort du vioque, stupide erreur). Il veut garder son poste à la banque où le mari de Nora est directeur (il doit être renvoyé pour diverses malversations) ou il dira tout de l’affaire au mari de Nora, homme de principes. Nora préfèrerait mourir plutôt que de subir les reproches de son mari. Car elle est digne et a tout sacrifié pour lui, même son honneur... Si le jeu en lui-même des personnages n'a rien d'exceptionnel, Carstensen incarne avec force et vigueur cette femme qui se battra jusqu’au bout et tiendra la dragée haute face à ce mari creux comme une tirelire. Son amie Linde (Barbara Valentin) a également quelque chose de curieusement fantomatique (elle a le teint vert ! bon, ok ma copie est une nouvelle fois loin de rendre pleinement honneur au travail sur les couleurs...), tout en ayant un caractère en bronze. Les hommes, eux, sont, comparés à elles, de simples pantins... A mesure que l'on avance dans le récit, la pièce sombre dans la nuit : le caractère plein de noirceur du mari est révélé à la lumière des lampes du salon et Nora, plutôt que de se laisser submerger par cette petitesse d'âme, y voit de plus en plus clair : même si la situation permet à chacun de retomber sur ses pattes, elle a permis de démontrer toutes les faiblesses des uns et les forces des autres. Nora quitte ce set la tête haute et on applaudit une nouvelle fois à deux mains devant le brio de la mise en scène, du filmage et devant cette figure hautement féministe subtilement et sublimement mise en lumière par Fassbinder ; il eut été bien dommage de passer à côté de ces œuvres moins connues de Fassbinder alors même qu'elles démontrent, chacune, l'intelligence de son regard.

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