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27 avril 2020

Eros + Massacre (Erosu purasu Gyakusatsu) (1969) de Kijû Yoshida

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Voilà une œuvre fleuve de Yoshida (plus de trois heures, c'est un peu éprouvant) qui mêle une fois de plus le présent (les mésaventures amoureuses et "intellectuelles" de deux jeunes étudiants) et l'histoire (que nos deux jeunes gens lisent, jouent, étudient) du célèbre anarchiste nippon et défenseur de l'amour libre (...) Sakae Osugi et ses trois femmes (la légitime, Yasuko, sa maîtresse, Itsuko, et son ultime passion, Noe (Mariko Okada et sa beauté glaciale)). On glisse de plus en plus du présent vers le passé avec ce récit magnifiquement mis en scène des idées révolutionnaires de Sakae (et sa difficulté à passer à l'acte) et ses relations passionnelles avec la possessive Itsuko (qui l'entretient) et la dévouée Noe aux petits soins pour cet homme avec lequel elle sera finalement massacrée au lendemain du tremblement de terre de 1923 (pfiou). De l'amour, du sang, de belles paroles, des idéaux, de la jalousie : stylé, engagé, passé et présent finement entremêlés, du pur Yoshida au top de sa forme.

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Il faut un peu s'armer de courage pour aller au bout de ces 207 minutes où il est parfois un peu difficile de se repérer ; c'est notamment le cas pour les parties au présent où l'on a parfois un peu de mal à comprendre ce que pourchassent ces deux jeunes gens flamboyants, l'une multipliant les aventures sexuelles, l'autre attiré plus par le feu que par la donzelle. On voit bien que leurs actions sont portées par un évident discours libertaire et par l’envie de retourner aux sources de cet idéal de liberté ; avouons malgré tout que la démonstration n'est pas toujours d'une limpidité parfaite. Quant au passé, les lignes sont plus claires et on peut pleinement apprécier l'art des cadres poussé à son maximum par un Yoshida toujours soucieux, même sur la longueur, de soigner chaque plan : ses personnages apparaissent dans des « cadres dans le cadre » limités, dans un coin de l'écran comme écrasé par le paysage ou la maison dans laquelle ils cohabitent, comme écrasés tout simplement par le poids de leur époque : les idéaux libertaires de Sakae sont loin d'être évidents à mettre en pratique (il veut que tout le monde soit sur un pied d'égalité alors que lui-même est entretenu par Itsuko) à cause des problèmes financiers, justement, ou tout simplement de la jalousie entre les femmes. Sa légitime est douce et passive, son premier bureau est dominateur et possessif et le second bureau est dévoué et respectueux (avec des limites…) ; cet homme, s'il paraît serein, est loin de faire l'unanimité au sein de ses troupes et provoque, par sa passivité même, divers imbroglio parmi toutes ses femmes ; le final est une sorte de métaphore de mise à mort de l'amour qu'il inspire et Yoshida filme sous tous les angles cette relation triangulaire explosive - bel emploi en passant du côté labyrinthique de ces maisons japonaises avec notre héros qui survient toujours au dernier moment dans un couloir alors qu'une femme cherche à le fuir (ou à le tuer), dans cette architecture intérieure de paravents. C'est un petit jeu du chat et de la souris qui se met subtilement en place avec la mise à mort "multiple" de cet homme aux prises avec des femmes, c'est le moins qu'on puisse dire, de caractère - sur lesquelles ont surement déteint, au final, ses propos, ses idéaux. Yoshida joue sur le grain de l'image (ultra saturée de lumière, notamment lors des rêves) et sur la bande sonore (le passage continuel des trains) tout en laissant quelques plages de repos plus apaisées avec une bande musicale superbement mélodieuse. C'est une sorte d'œuvre somme avec des personnages décidés, radicaux, engagés prêts à tout pour aller au bout de leurs idées (à défaut, parfois, d'idéaux), de leurs sentiments, quitte à jouer avec le feu ou la lame d'un couteau. On sent qu'on passe à côté d'une partie référentielle de la chose, mais l'objet-monstre nous laisse tout de même en tête suffisamment d'images fortes pour ne pas regretter le détour dans l'univers artistique et jusqu'au-boutiste de Yoshida. RADICAL !

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