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20 avril 2020

LIVRE : Seul dans Berlin (Jeder stirbt for sich allein) de Hans Fallada - 1947

"Ce peuple tout entier est devenu fou. L’un communique sa maladie à l’autre. »

"Car le commissaire Laub agissait selon le principe de l’époque : tout le monde avait quelque chose sur la conscience ; il suffisait de chercher assez longtemps pour obtenir un résultat".

bm_CVT_Seul-dans-Berlin_1533Si nos chers commentateurs commencent à nous faire notre programme lecture, c'est bien que la France et la République vont mal… Nous voici donc, comme le titre original ne l'indique pas à Berlin, en pleine seconde guerre mondiale. Fallada a la bonne idée de nous faire suivre la vie quotidienne de ces petites gens coincées entre les SS, les délateurs (nombreux), les SA et autres opportunistes de tout crin. Il y a ceux qui tentent de se faire oublier mais ont du mal (être juif est synonyme de cible, je vous apprends rien), ceux qui tentent, SS ou arsouilles, de profiter de la situation en spoliant ici ou là des individus sans défense ou des femmes seules et puis ceux qui serrent des dents, comme notre couple-phare, les Quangel : lui, est ébéniste, elle, femme au foyer ; leur enfant est au front et tombe sous les balles. Une colère sourde, profonde les envahit : le gars Quangel décide alors d'écrire chaque semaine, une, deux, trois cartes postales dénonçant la politique désastreuse du Führer et de planter ces cartes dans tous les immeubles de la ville. Une œuvre de résistance ? Sans doute, mais aussi de défoulement pour cet homme qui, à son petit niveau, tente de résister dans l'ombre. Forcément, ces cartes finissent par tomber entre les mains des SS et la poursuite de ce "Trouble-Fête" devient l'obsession d'un Commissaire. Indicateurs louches, suicides, délations, meurtres, passages à tabac, ces petites cartes postales, si elles n'ont que peu d'influence sur la population, sèment le chaos au sein d’un petit monde underground de profiteurs et au sein de cette police qui veut faire flèche de tout bois - et qui veut surtout ne pas donner l'impression de se faire dépasser. Les Quangel sont en ligne de mire, risquent leur vie au quotidien, mais préfèrent tomber dignement que mourir comme des moutons. Sage ligne de vie.

Le livre est consistant mais très plaisant dans sa lecture ; si Fallada nous présente au départ un bon petit paquet d'individus (les habitants d'un immeuble - juif, jeunesse hitlérienne, résistant, ancien juriste, voleur cohabitent), le récit se focalise rapidement sur les Quangel et sur ce commissaire qui va suer sang et eau (littéralement) pour mettre la main sur ce mystérieux individu. Fallada nous donne à voir un portrait très complet de ce petit milieu berlinois en temps de guerre où trainards, clodos, indics et SS tentent de faire bon ménage pour semer la terreur à tous les niveaux. Les petites gens tentent de s'écraser, subissent et seuls les Quangel et une poignée de cocos vite captés tentent de saloper le moral des troupes. On assiste à des scènes parfois poignantes (la solidarité dans ce vieux couple des Quangel, l'aide donnée dans l'immeuble à cette veuve juive), souvent violentes (les délateurs lattés par les SS, les règlements de compte au sein même de la police, les interrogatoires qui charclent...) mais toujours terriblement réalistes. Fallada se donne le temps de faire vivre ses personnages ; il leur donne notamment une certaine densité en développant de longs dialogues qui permettent à chacun d'exposer clairement son point de vue, sa philosophie, sa lâcheté ou son courage. Même si le récit se concentre sur cette vie quotidienne de plus en plus inhumaine dans ce Berlin sous chape de plomb, cette chasse à la carte postale donne au récit un soupçon de suspense - on tremble pour ce vieux Quangel qui est loin d'être l'archétype du héros ou du type fougueux : juste un gars qui a déjà fait sa vie et qui tente de miner tout un régime de tortionnaires avec ses petits cailloux… On finit par compatir avec le destin de ce vieux solitaire avare et peu recommandable au départ et on tremble dès lors que la police (heureusement souvent con comme un casque à pointe) s'approche de sa trace. La dernière partie est un modèle d'abnégation et de courage, de résistance sage et muette dans ce monde devenu complètement fou, incontrôlable, absurde. Bien bel ouvrage en vérité, dommage que les adaptations à l'écran ne fassent soit guère envie (Vincent Pérez en 2016 ? Diable !) soit... ne sont trouvables que dans la langue de Goethe (que j'ai étudiée, hein, pourtant, pendant 12 ans aber il m'en reste pas grand-chose...). Beau conseil absolument recommandable !

Commentaires
S
Mais en effet dans wiki ;<br /> <br /> <br /> <br /> 1947 : Aufbau Verlag (maison d'édition localisée dans la Zone soviétique d'occupation)<br /> <br /> <br /> <br /> Il semblerait donc que vous ayez raison et que Denoel se soit plantée - je rectifie, so. Thanks !
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S
Éditeur original : Aufbau-Verlag, Berlin, 1965.<br /> <br /> © Aufbau-Verlag, Berlin, 1965.<br /> <br /> © Éditions Plon, 1967, pour la première édition. <br /> <br /> © Éditions Denoël, 2002, pour la présente édition
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M
Fallada est mort en 47, ce bouquin publié grosso modo en 46/47. <br /> <br /> D'où il sort, ce 1965 ? <br /> <br /> <br /> <br /> Si vous vous sentez dans le mood, le cher commentateur vous recommanderait bien cet autre chef d'oeuvre : "L'Homme de Kiev" de Bernard Malamud. <br /> <br /> Philip Roth, oui, bien sûr... Mais comme j'ai un faible pour ceux qui n'obtiennent que la 2e marche du podium, je préfère son contemporain et rival littéraire Malamud.<br /> <br /> <br /> <br /> Son Homme de Kiev est vraiment très... grand.
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