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15 avril 2020

Les Yeux sans visage de Georges Franju - 1960

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C'est bien triste, mais je suis quand même pas mal déçu par ce film que je n'avais pas revu depuis ma tendre adolescence. Je pense finalement que je ne suis pas très franjuesque, pour tout dire : ses films me paraissent toujours très datés, mal rythmés, bons seulement dans leurs détails. C'est le cas avec Les Yeux sans visage : je sais bien qu'on y voit le masque incroyable porté par Edith Scob, et que cette image peut suffire à nore bonheur de cinéphile. Il y a dans ce visage blanc, froid, teinté d'un très subtil et étrange sourire, tous les fantasmes que l'honnête cinéphile peut projeter sur lui. On sait que sous ce masque se cache l'horreur pure, le visage écorché dont il ne subsiste que ces deux grands yeux mélancoliques. Mais la beauté diaphane de ce faux visage, associé avec le corps gracile de Scob et son costume très coctalien (de Jean Cocteau, non ?) font apparaître le personnage de Christiane comme un être quasi-fantastique, adolescent, pur ; et nos imaginations accordent à ce visage toute la fantasmagorie du Mal caché sous la beauté, de l'écran blanc sur lequel se projettent nos pulsions autant érotiques que morbides. Grande idée que ce masque blanc ; s'il vous faut un argument pour aller voir ce film, il est là. La chose possède d'autre part pas mal de jolies scènes, notamment la dernière, qui renoue avec un fantastique d'épouvante très fort ; ou la fameuse opération d'ablation du visage, filmée cru et dans la longueur, qui montre un Franju intéressé par la représentation et ses possibles, et diablement moderne dans son goût du gore. On sourit certes devant l'improbabilité de cette opération chirurgicale de Castor Junior, mais le fait est que ces images vous rentrent dans la rétine avec puissance.

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Mais voilà, à côté de ces scènes ou de ces motifs il est vrai assez géniaux, le film est complètement raté. D'abord parce que Franju, c'est le moins qu'on puisse dire, a un sens de l'ellipse proche du zéro : si quelqu'un descend d'une voiture et rentre dans un immeuble, vous pouvez être sûr qu'on va avoir droit à 36 plans, sur la voiture en train de se garer, sur le type qui prend son pardessus, sur la portière qu'on ferme à clé, etc. Il en faudrait peu pour qui'il se décide à filmer aussi la chaîne de montage de la bagnole, histoire d'ancrer son film un peu plus dans le réel. Le film suit un rythme exsangue, on ne cesse de tiquer en souhaitant que Franju coupe, ramasse ses plans, fasse un peu confiance à l'imagination du spectateur. D'autre part, je trouve les acteurs assez mauvais, à commencer par Pierre Brasseur : pour une fois qu'il n'a pas un de ces rôles flamboyants dont il est spécialiste, il est pris ici en flagrant délit de cabotinage dans le rôle du chirurgien dépassé par son ambition scientifique, qui ne voit pas qu'il sacrifie sa propre fille à la gloire de la réussite, sorte de Dr Frankenstein français. Franju le filme comme une ombre insensible uniquement préoccupé de ce qui se passe dans son labo caché, et finit par ne produire qu'un personnage à la Maigret, pas crédible, peu épais. Rares sont les scènes qui ressortent de ce long, très long, film qui aurait pu être réduit de moitié sans problème : ni l'enquête des flics (tellement mauvais qu'on dirait que Les Yeux sans visage est aussi une critique du travail de la police), ni les atermoiements d'Alida Valli, pas terrible non plus, ni les scènes de suspense (des filles interchangeables qui se font trucider, bon), ni même les scènes "classiques" d'épouvante (un enterrement clandestin complètement raté, car Franju ne sait strictement jamais comment la filmer). Non, vraiment, un ennui assez profond pour ma part...

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